Thaïlande : victoire des démocrates aux législatives, vers quel avenir politique ?
Le jeune parti réformiste de centre gauche Move Forward et le parti populiste démocrate Pheu Thai ont largement remporté les élections législatives en Thaïlande, ce 14 mai 2023. Mais les risques de ne pas les voir accéder au pouvoir restent grand. D’abord à cause d’un système électoral qui accorde un poids important à un Sénat nommé par les royalistes et les militaires. Ensuite parce qu’ils risquent l’interdiction, la dissolution ou l’arrestation de leurs dirigeants.
La Thaïlande va-t-elle enfin basculer vers un gouvernement démocrate ? Les militaires et les royalistes, au pouvoir depuis le coup d’Etat de 2014, maintenus par les (fausses) élections de 2019, ont accepté d’organiser des élections législatives libres, en ce 14 mai 2023. Elles ont été dominées, sans surprise, par les partis démocrates, même si les résultats définitifs ne sont pas encore connus.
Pheu Thai, le mouvement populiste qui avait remporté toutes les élections de ces 20 dernières années, devrait obtenir au moins 140 sièges sur les 500 que compte l’assemblée nationale. C’est la jeune Paethongtarn Shinawatra qui a mené Pheu Thai au combat électoral, après son père Thaksin, fondateur du parti, et sa tante Yinluck, tous deux anciens Premiers ministres renversés par les militaires, en 2006 et 2014, et vivant désormais en exil. Et elle revendique le poste de Première ministre.
Pita Limjaroenrat et le jeune parti de centre gauche Move Forward, leader des partis démocrates en Thaïlande
Mais le favori est plutôt à chercher à la tête du parti réformiste de centre gauche Move Forward. Fort d’au moins 150 députés, ce jeune parti est le grand vainqueur de ces élections. Son leader, le très populaire, Pita Limjaroenrat propose la fin du service militaire ou une réforme du crime de « lèse-majesté ». Ce dernier sert régulièrement aux partis au pouvoir pour arrêter des opposants.
Les militaires et les royalistes ont connu une véritable gifle électorale. A eux deux, les partis de l’actuel Premier ministre, Prayuth Chan-o-cha, et celui de son vice-Premier ministre, le général Prawit Wongsuwan, ne cumulent que 76 sièges. Mais un artifice électoral leur permet de conserver, potentiellement, la main. Le Premier ministre est en effet élu par un congrès réunissant les 500 députés, mais aussi 250 sénateurs. Et ces derniers sont choisis par le pouvoir conservateur. Sera élu le Premier ministre qui totalisera, début juillet 2023, 376 votes de parlementaires.
L’exécutif peut compter sur un minimum de 250 + 76, soit 326 parlementaires. S’ils parviennent à s’allier, Pheu Thai et Move Forward disposeront d’entre 290 et 300 sièges. Le parti Bhumjaithai du ministre de la Santé Anutin Charnvirakul, avec 70 députés environ, risque de jouer le faiseur de roi. S’il soutient l’exécutif, l’armée gardera le pouvoir. S’ils soutient les démocrates, il suffira d’une poignée de voix de petits partis pour leur assurer l’élection.
Reste à savoir si, début juillet 2023, les deux partis démocrates existeront toujours, et si leurs deux leaders seront toujours libres. De nombreux observateurs craignent en effet que les royalistes et les militaires ne se saisissent du premier prétexte venu pour dissoudre l’un ou l’autre des partis, et / ou mettre en prison ou contraindre à l’exil Pita Limjaroenrat ou Paethongtarn Shinawatra.