Publié le : samedi 18 juin 2022

Kazakhstan : Tokayev réussit son pari

Le referendum organisé début juin permet au président kazakhstanais d’engranger un appréciable capital politique, en marquant sa différence avec l’ère Nazarbayev et en se posant en réformateur apprécié de la communauté internationale. De quoi donner les coudées franches à un Kassym-Jomart Tokayev qui pourrait, enfin, sortir de l’ombre de son prédécesseur. 

Arracher une très large victoire électorale et politique quelques semaines seulement après que de violentes manifestations flirtant avec l’insurrection aient fait trembler le pouvoir, c’est le pari qu’au Kazakhstan vient de remporter le président Kassym-Jomart Tokayev. Le 5 juin se tenait en effet un grand referendum pour lequel près de sept électeurs sur dix (68%) se sont déplacés. Les citoyens du Kazakhstan étaient appelés à se prononcer pour ou contre une série de modifications constitutionnelles visant à limiter l’influence de l’ancien chef d’État Noursoultan Nazarbayev sur la vie politique du pays, tout en rééquilibrant les institutions kazakhstanaises au profit du Parlement et de la société civile.

Tourner la page de l’ère Nazarbayev

La révision de la Constitution du Kazakhstan ambitionne, en effet, de graver dans le marbre de la loi fondamentale le passage d’un régime « super-présidentiel » à une « république présidentielle dotée d’un Parlement fort », selon les propres mots de Kassym-Jomart Tokayev, qui avait appelé ses concitoyens à poser ensemble « les bases d’une deuxième République ». En réduisant les pouvoirs de la présidence – notamment sur les nominations à des postes clés –, en élargissant les prérogatives du Parlement et des autorités locales et en renforçant certains mécanismes de protection des droits de l’Homme, le referendum du 5 juin devrait, selon le souhait de son président, acter « la démocratisation du pays et l’élargissement des possibilités de participation de la population à la gouvernance » du Kazakhstan.

Certaines des dispositions avancées visaient aussi à tourner définitivement la page des presque trois décennies qu’aura duré le règne de Nazarbayev sur le pays. La plus symbolique d’entre elles est, sans doute, la suppression annoncée du titre d’ « Elbassy », ou « chef de la nation kazakhe », qui revenait jusqu’alors de droit à Noursoultan Nazarbayev, de même que l’immunité judiciaire qui lui était accordée ainsi qu’aux membres de sa famille. D’autres modifications empêchent aussi les proches du président de briguer des fonctions gouvernementales, des mesures qui devraient répondre aux accusations de népotisme visant régulièrement la classe dirigeante kazakhstanaise et qui avaient alimenté la fureur populaire de janvier dernier.

En route vers un second mandat ?

Le clan Nazarbayev écarté du pouvoir, le président Tokayev devrait, enfin, avoir les coudées franches pour diriger le Kazakhstan et mener les réformes promises. Avec plus de 77% des suffrages exprimés en faveur du « oui », le referendum de dimanche dernier représente en effet une victoire éclatante pour le nouveau président, dont la personnalité avait jusqu’alors eu du mal à émerger de l’ombre de son omnipotent prédécesseur. Après la reprise en main musclée du pays lors des violentes émeutes de janvier, Kassym-Jomart Tokayev obtient, avec ce résultat sans appel, une forme de plébiscite populaire qui vient à la fois promouvoir l’image du pays sur la scène internationale et répondre à certaines des aspirations démocratiques de la population.

Le soutien massif du peuple à son projet de réforme constitutionnelle permet aussi à l’actuel président d’engranger un capital politique dont Kassym-Jomart Tokayev aura besoin s’il entend se présenter à un éventuel second mandat. Renforcé sur le plan intérieur, le président kazakhstanais va désormais pouvoir se consacrer à la délicate situation internationale : avec un sous-sol riche en pétrole et autres matières premières et une situation géographique entre la Chine et la Russie, le Kazakhstan est directement impacté par la guerre en Ukraine. Un conflit qui contraint sa diplomatie, attachée à une tradition de multilatéralisme, à un périlleux jeu d’équilibriste entre grandes puissances rivales. Entrant résolument dans une nouvelle période de sa jeune histoire politique, le Kazakhstan peut maintenant placer ses pions sur une scène géopolitique en pleine recomposition.

 

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