Publié le : vendredi 23 juillet 2021

En plein processus d’ouverture, l’Ouzbékistan tend la main à l’Europe

L’Ouzbékistan s’est lancé en 2016 dans une ambitieuse politique d’ouverture. Le pays offre désormais un environnement économique extrêmement attractif au cœur de l’Asie centrale. À l’heure où Tachkent cherche à diversifier ses partenaires internationaux afin de s’émanciper des tutelles russes et chinoises, l’Europe et la France saisiront-elles la main tendue ?

Shavkat Mirziyoyev, président de la République d’Ouzbékistan

Bénéficiant d’une situation privilégiée au cœur de l’Asie centrale, État le plus peuplé de la région avec 34 millions d’habitants, l’Ouzbékistan est né de la dislocation de l’URSS en 1991. En 2016, la mort d’Islam Karimov, père de l’indépendance, a ouvert une période de transition politique, économique et sociale. Héritant d’un pays figé par trois décennies de gouvernement autoritaire, le nouveau président élu Shavkat Mirziyoyev a tôt affiché sa détermination à mener d’ambitieuses réformes. Le nouveau gouvernant s’est distingué résolument de son prédécesseur, prenant une série de décisions pour atténuer le tropisme répressif de l’appareil d’État et sortir le pays de son isolement.

Vers la construction progressive d’un État de droit ?

Son premier geste fut ainsi de libérer les prisonniers politiques, notamment ceux maintenus dans la prison de Jaslyk, tristement célèbre pour son recours à la torture. Il a par ailleurs renouvelé le personnel politique et administratif, s’entourant d’une équipe de jeunes technocrates formés dans les universités occidentales. Des progrès significatifs ont été enregistrés en matière de liberté de la presse. Chose inimaginable avant 2016, les journalistes sont aujourd’hui autorisés à couvrir les événements politiques et l’accès à certains sites étrangers, dont ceux d’Human Rights Watch et du service ouzbek de la BBC, a été débloqué.

Ces signaux positifs envoyés à la société civile ont fait sortir l’Ouzbékistan de la zone noire du classement mondial de la liberté de la presse. Un véritable débat public a même pu avoir lieu à l’échelon local lors des élections législatives de décembre 2019, suivies par plus de 800 observateurs internationaux.

L’influence russe et chinoise

Dans le même temps, le gouvernement de Shavkat Mirziyoyev a donné son feu vert pour les transactions en devises étrangères, réformer le secteur bancaire et supprimer bon nombre des barrières administratives pour les investisseurs étrangers. L’objectif : stimuler les initiatives privées et attirer les investissements afin de diversifier une économie reposant essentiellement sur l’exploitation des matières premières, principalement le gaz, le coton et les métaux. Avec 21 zones franches exonérées d’impôts pendant 10 ans, l’Ouzbékistan, longtemps l’un des pays les plus fermés du monde, propose aujourd’hui l’un des environnements commerciaux les plus attractifs de la région. Ce mouvement de libéralisation économique a surtout renforcé les liens avec la Russie, historiquement premier partenaire de l’Ouzbékistan. Des accords de coopération énergétique ont été signés entre les deux pays.

Mais c’est avec la Chine que les relations se sont le plus développées, tant sur le plan économique que sécuritaire. Très actif, le consortium China Road a construit de nombreuses infrastructures routières et ferroviaires permettant de relier l’Ouzbékistan à ses voisins. Pour Pékin, il s’agit de sécuriser ses approvisionnements en gaz depuis le Turkménistan où les ressources off-shore de la Caspienne abondent. En outre, la situation géographique du pays, en plein cœur de l’Asie centrale, en fait un axe de transit incontournable vers l’Europe dans le cadre de ses « nouvelles routes de la soie ». L’Ouzbékistan est d’ailleurs reconnu par la Chine comme un « partenaire stratégique important », notamment depuis que les deux pays ont participé conjointement en 2019 à des exercices militaires et contreterroristes.

Et l’Europe ?

Au-delà de ces relations bilatérales avec les deux géants eurasiatiques, Tachkent accueille depuis quelques années un centre de coordination de la lutte antiterroriste de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui marque la place prédominante du pays dans la sécurité et les affaires diplomatiques régionales. Mirziyoyev a d’ailleurs renoué le dialogue avec le Kirghizistan et le Tadjikistan pour dénouer les différents portants sur la démarcation de ses frontières. Il est également très investi dans le dossier afghan où il prône l’équilibre et le dialogue entre les différentes factions.

Cette politique volontariste a fait de l’Ouzbékistan un pays en voie de stabilisation, disposant de nombreux atouts pour attirer les capitaux internationaux. En 2018, plusieurs accords de coopération avaient été conclus avec des entreprises françaises lors de la visite à Paris du président Mirziyoyev. La visite en mai dernier du Ministre délégué au commerce extérieur, Franck Riester à Tashkent, pourrait préfigurer un soutien de la France aux réformes en cours, à l’heure où le gouvernement ouzbek cherche à accélérer le développement du pays. L’Europe serait d’ailleurs bien inspirée de ne pas abandonner au duopole Moscou-Pékin un pays aussi stratégique, tant pour ses débouchés commerciaux que pour la place prédominante qu’il occupe dans la stabilité régionale.

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