Libye et Egypte : les dirigeants d’Amesys et Nexa mis en examen pour « complicité d’actes de torture »
Fin juin 2021, les deux affaires judiciaires lancées depuis plusieurs années contre les dirigeants des sociétés françaises Amesys et Nexa Technologies, pour avoir fourni du matériel de surveillance aux régimes libyens et égyptiens, ont connu un spectaculaire rebond. Suite à une plainte de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), le tribunal judiciaire de Paris a mis en examen quatre dirigeants et anciens dirigeants d’Amesys et Nexa Technologies, pour « complicité d’actes de torture ».
Les premiers faits remontent entre 2007 et 2011. La société française Amesys vend à la Libye de Mouammar Kadhafi, un programme de cybersurveillance baptisé Eagle. Ce système d’analyse du trafic Internet permettait de contrôler l’ensemble des messages échangés. Grâce à lui, les autorités ont pu identifier de nombreux opposants qui ont été ensuite emprisonnés et torturés.
Une plainte, déposée par la FIDH et la LDH accuse Amsesys d’avoir fourni ce matériel en toute connaissance de cause. Six victimes se sont constituées partie civile dans cette affaire. Après un classement sans suite, les juges d’instruction du pôle chargé des crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris avaient rouvert l’affaire.
La seconde information judiciaire, ouverte en 2017, concerne l’Egypte d’Abdel Fatah Al-Sissi. Nexa Technologies, dirigés par d’anciens cadres d’Amasys, a fourni aux autorités égyptiennes un autre logiciel de surveillance. Il permet ainsi à l’Egypte de lutter contre l’opposition islamiste. Et conduit, lui aussi, l’arrestation de nombreuses personnes.
Quatre dirigeants français mis en examen pour avoir fourni des logiciels de surveillance conduisant à arrestation et torture d’opposants
Les deux affaires semblaient en sommeil. Mais, fin juin 2021, elles ont connu un réveil brutal. Les juges ont, coup sur coup, mis en examen Philippe Vannier, président d’Amesys pour « complicité d’actes de torture », et Olivier Bohbot, président de Nexa, Renaud Roques, son directeur général, et Stéphane Salies, ancien président, pour « complicité d’actes de torture et de disparitions forcées ».
« C’est une formidable avancée, qui signifie que ce que nous constatons tous les jours sur le terrain, à savoir les liens entre l’activité de ces entreprises de surveillance et les violations des droits humains, peut recevoir une qualification pénale et donner lieu à des inculpations pour complicité », se sont alors félicité Clémence Bectarte et Patrick Baudouin, avocats de la FIDH.
D’après la FIDH, ces mises en examen « pourraient précéder celle des deux entreprises en tant que personnes morales ».