Publié le : vendredi 26 février 2021

Législatives en Côte d’Ivoire : enquêter, apaiser et réconcilier

Après les violences en marge du scrutin présidentiel, la Côte d’Ivoire entend mettre fin à l’impunité. De nouvelles investigations ont permis d’appréhender des auteurs de violences identifiés. A quelques jours des législatives, la priorité du pouvoir est de permettre un scrutin apaisé. Les appels se multiplient, de la part du pouvoir comme de l’opposition, plus que jamais divisée.

Des poursuites contre les auteurs de violence

Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) ivoirien a fait savoir dans un communiqué qu’il appelait à mettre fin à l’impunité contre les auteurs de violence ayant entouré le scrutin présidentiel du 31 octobre 2020. La structure présidée par Namizata Sangaré « recommande la poursuite des auteurs identifiés de ces actes de mauvaise conduite devant les juridictions compétentes ». Les troubles politiques en marge de la réélection du président Alassane Ouattara pour un troisième mandat avaient souvent dégénéré en affrontements intercommunautaires. Entre août et novembre 2020, le bilan de ces violences s’établit à 85 morts et 484 blessés. En décembre 2020, un communiqué de Human Rights Watch appelait « les autorités ivoiriennes à enquêter de toute urgence sur les meurtres de plus de 50 personnes lors des violences politiques et intercommunautaires qui ont accompagné l’élection présidentielle ». Un appel pris très au sérieux par le pouvoir. En novembre, une Unité spéciale d’enquête avait été créée par décret pour faire la lumière sur ces violences. De nouvelles investigations ont depuis été menées par cette unité dirigée par le procureur de la République Richard Adou. Avec succès : fin février, cinq individus ont pu être interpellés. Formellement identifiés par les enquêteurs, ils sont impliqués dans la décapitation de Nguessan Koffi Toussaint tué le 9 novembre à Daoukro. Ce fief du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avait été le théâtre de nombreuses violences, à l’instar de Bongouanou et M’Batto.

A quelques jours des législatives, apaiser et réconcilier

Ces nouvelles investigations devraient rassurer le CNDH. Celui-ci en a appelé à « la responsabilité de tous, notamment les candidats et les formations politiques pour l’éducation civique, citoyenne et électorale de leurs militants et sympathisants, dans le respect de la loi et des droits de l’homme ». A quelques jours des élections législatives en Côte d’Ivoire, personne ne souhaite que de nouvelles violences viennent émailler le processus électoral. Si les autorités ivoiriennes cherchent à faire cesser l’impunité, le pouvoir a multiplié les gestes d’apaisement. Parmi eux, la libération conditionnelle de plusieurs dirigeants d’opposition, interpellés après l’appel à la « désobéissance civile » d’Henri Konan Bédié. Quant au chef de l’Etat, il a déclaré que « les paroles de division et de haine n’ont pas de place dans notre campagne », tout en encourageant les candidats du RHDP à « ne pas donner suite aux provocations ». Au-delà du président, les appels à un scrutin apaisé se sont succédé. Le 22 février dernier, c’est la ministre de la Solidarité, Mariatou Koné, qui a lancé un appel depuis Adzopé, où elle inaugurait la maison des chefs et rois de la région de la Mé : « Faites en sorte que la campagne qui va s’ouvrir le 26 février soit une campagne civilisée, une campagne sans violence, une campagne sans mort, sans blessé, sans dégât matériel parce qu’avant, pendant, après la politique, nous demeurons frères et sœurs et nous devons pouvoir nous regarder après les élections. »

L’attitude ambigüe d’une opposition divisée

Le scrutin du 6 mars pourrait bien représenter une nouvelle étape dans les relations entre participants. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, l’opposition avait boycotté l’élection présidentielle puis appelé à la désobéissance civile, elle a finalement décidé de participer aux élections législatives. Faut-il y voir la conséquence des gestes d’apaisement de la part d’un pouvoir qui cherche à réconcilier les Ivoiriens ? L’attitude de l’opposition demeure ambigüe, en témoignent ces propos de Gnamien Konan, ancien ministre et candidat soutenu par l’alliance PDCI EDS face au RHDP : « Nous continuons de ne pas reconnaître l’élection présidentielle qui s’est déroulée et ses résultats, cependant nous ne pouvons pas concéder tous les pouvoirs au RHDP ». Quant à l’ancien président Henri Konan Bédié, il continue de souffler le chaud et le froid. D’un côté, il persiste à ne pas reconnaître les résultats de ce qu’il qualifie de « simulacre d’élection » ou de « troisième mandat inconstitutionnel et illégal ». De l’autre, il lance lui aussi un appel au dialogue : « C’est dans ce cadre que le Président Gbagbo et moi-même appelons solennellement, toutes les filles, tous les fils de la Côte d’Ivoire, épris de fraternité et de démocratie, à participer aux élections législatives du 06 mars prochain». Une attitude ambigüe que celle du sphinx de Daoukro, mais qui ne saurait masquer le fait que l’opposition viendra aux urnes plus divisée que jamais. Un avantage certain pour le RHDP, et pour le pouvoir ivoirien qui entend favoriser la réconciliation nationale, en formant un nouveau gouvernement à l’issue du scrutin. Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, voit dans ces élections législatives « le point de départ de la décrispation totale » dont a besoin la Côte d’ivoire. Et l’occasion de tourner une fois pour toutes la page des violences électorales.

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