Bien dirigées, les sanctions internationales peuvent être efficaces
Dan Gertler, milliardaire israélien sanctionné depuis trois ans par Washington, vient d’obtenir l’autorisation de reprendre ses transactions en dollars, après avoir donné des gages d’amélioration de la transparence de ses affaires en République démocratique du Congo (RDC). Un exemple qui démontre que des mesures répressives peuvent s’avérer efficaces à certaines conditions.
Corée du Nord, Iran, Russie, Syrie, Turquie… Ces dernières années ont vu fleurir sur la scène internationale de nombreux mécanismes de sanctions, à l’encontre, notamment, de pays dit « rebelles », qui s’extraient volontairement du cadre du droit international en provoquant un conflit armé (Moscou, Damas) ou en cherchant à obtenir l’arme nucléaire (Téhéran) par exemple. Qu’elles soient diplomatiques ou économiques, prises de manière unilatérale ou conjointe, ces sanctions visent donc à faire rentrer ces États récalcitrants « dans le rang » du concert des nations. En théorie du moins.
En pratique, on le constate crise après crise, les mécanismes répressifs ont du mal à produire tous les effets escomptés. Lorsqu’en 2014 le président russe, Vladimir Poutine, décide d’envahir la Crimée, l’Union européenne (UE), qui dispose de son propre mécanisme de sanctions, n’hésite pas à voter au secours de Kiev des mesures contre Moscou – interdiction est faite à certaines personnalités russes de se rendre dans l’UE ; leurs avoirs sont gelés… Pour corollaire, Moscou investit massivement dans la péninsule, qu’elle considère, dans les faits, comme sienne.
Efficacité relative
Bien souvent taxées d’inefficacité, les sanctions apparaissent, au mieux, hypocrites – simple moyen pour un ou plusieurs États de réagir à une illégalité, à des fins « publicitaires » -, au pire, dangereuses – les sanctions, économiques surtout, touchent davantage la population que le pays visé. D’autant plus que ce dernier peut contre-attaquer : « Il est difficile de prédire l’effet des sanctions occidentales. Car, contrairement aux pays habituellement visés, la Russie est une grande puissance. Elle a décrété des représailles », avertissait en 2015 le professeur américain Thomas Biersteker.
Comment expliquer, dès lors, que les sanctions soient un outil privilégié des relations internationales – les États-Unis et l’UE comptent par exemple une trentaine de régimes de mesures répressives en vigueur chacun ? « L’imposition de sanctions est un instrument politique relativement peu coûteux, si on le compare à un conflit armé, et qui plaît davantage à l’opinion publique », précise Sophie Marineau, doctorante en histoire des relations internationales. Cette dernière d’ajouter que, pour être efficaces, les sanctions doivent respecter neuf facteurs « déterminants », au nombre desquels le coût économique, le type de régime et la stabilité du pays sanctionné.
« Un État souffrant de problèmes économiques sera plus vulnérable à l’application d’un régime de sanctions. Même un autocrate peu soucieux du bien-être de sa population aura de la difficulté à gérer un État au bord du chaos », estime-t-elle ainsi. A l’inverse, « un régime de sanctions a des chances de réussite limitées si l’État visé est fort, stable politiquement et économiquement, hostile et autocratique ». Ce que démontre l’exemple de la Russie, guère réputée pour ses élans démocratiques, qui a poursuivi son entreprise d’annexion de la Crimée malgré les réprobations internationales.
Personnalisation
Pour beaucoup, le problème réside dans le fait que ces mécanismes de sanctions touchent des entités morales (États, entreprises), sans inquiéter les personnes physiques, qui dissimulent leur responsabilité derrière les premières. A contrario, les mesures répressives s’avèrent plus efficaces lorsqu’elles visent directement des personnalités, ce qu’a démontré, récemment, l’affaire Dan Gertler, du nom de ce milliardaire israélien prospérant dans l’exploitation minière en République démocratique du Congo (RDC), jusqu’à ce qu’il soit visé en 2017 par des sanctions économiques américaines pour des contrats jugés « opaques » et « entachés de corruption » – accusations n’ayant toutefois jamais donné lieu à des condamnations devant les tribunaux.
L’homme d’affaires a fini par recevoir le feu vert de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC, qui dépend du Département du Trésor américain) après avoir fait amende honorable et multiplié les gages de bonne volonté pour se conformer aux standards internationaux en matière de transparence et de responsabilité sociale. En novembre dernier, Dan Gertler promettait même aux Congolais de partager avec eux le fruit de l’exploitation des ressources minières de leur pays. Et en janvier dernier, dans un communiqué, il précisait qu’ « à l’avenir, la transparence et la responsabilité seront les fondements de notre activité ». Démontrant que, lorsqu’elles sont bien dirigées, les sanctions peuvent se révéler efficaces.
C’est d’ailleurs parce que les personnalités ou les États pointés du doigt – quels que soient leurs agissements – peuvent espérer voir un jour leur nom effacé des fameuses listes de sanctions, qu’ils sont incités à se conformer aux textes en vigueur. Ainsi, en octobre dernier, deux personnalités impliquées dans le conflit lybien, visées à ce titre par des sanctions européennes, s’engageaient à construire une solution politique dans le pays. De quoi, là aussi, inciter Bruxelles à retirer leur nom de sa liste de sanctions.