L’ombre des Frères musulmans s’étend sur l’Allemagne
Les services de sécurité et de renseignement allemands alertent sur l’influence grandissante de la confrérie en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Sous un discours prônant la non-violence, l’organisation préparerait l’avènement d’une société régulée par la charia.
L’Allemagne, nouvelle terre de conquête pour les Frères musulmans ? Plus précisément, c’est en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, un land dont la capitale est Cologne, que la confrérie, active au sein d’un nombre exponentiel d’organisations et de mosquées, gagnerait récemment en popularité. Une popularité qui inquiète au plus haut point les services de sécurité d’outre-Rhin, comme le révèle une enquête publiée, le 10 décembre dernier, sur le site Internet du Kölner Stadt-Anzeiger (KSA).
Influence grandissante
Ainsi, selon l’Office fédéral de protection de la Constitution (Bundesamt für Verfassungsschutz – BfV) – le service de renseignement intérieur allemand –, la « Communauté islamique allemande » (Islamische Gemeinschaft in Deutschland – IGD), dont le siège se situe à Cologne, serait le paravent, et le principal organe, du réseau local des Frères musulmans. Une organisation née en Egypte, et dont les efforts pour instaurer un système politico-social basé sur une lecture stricte de la charia tendraient à « violer les principes de démocratie et de liberté » en vigueur en Allemagne, selon le BfV.
Burkhard Freier, un responsable régional du BfV, va encore plus loin. Selon lui, et en dépit de leurs protestations, l’IGD et ses organisations satellites « poursuivent un seul objectif : créer des Etats islamiques de droit divin, y compris, à terme, en Allemagne ». Selon ce spécialiste, la montée en puissance des Frères musulmans outre-Rhin représenterait même une menace plus dangereuse encore que l’activisme des musulmans salafistes se revendiquant d’organisations terroristes, telles qu’al-Qaida ou l’Etat islamique.
Comment expliquer ce regain d’influence ? Pour les services de renseignement allemands, il faut y voir la main de généreux donateurs résidant dans le Golfe, dont l’argent permet aux leaders des Frères musulmans, eux-mêmes très éduqués, de développer « un vaste programme d’éducation et de formation » à destination des musulmans de tous âges. Si les écoles coraniques sont en première ligne de cette stratégie, d’autres organisations, comme « l’Institut européen des sciences de l’homme » (EIHW) ou encore « l’Association allemande du Noble Coran », permettent aussi de diffuser la propagande islamique auprès d’un large public.
« Les agitateurs de l’IGD et leurs acolytes touchent, par le biais de sermons, de conférences et de formations, des dizaines de milliers de musulmans, auprès desquels ils diffusent une interprétation ultra-conservatrice du Coran », relève ainsi un rapport du BfV. Si les autorités allemandes évaluent à un environ un millier le nombre de personnes faisant partie du premier cercle de la confrérie en Allemagne, ce chiffre serait en augmentation constante. Quelque 50 centres islamiques, 14 associations de mosquées et plus d’une centaine de lieux de culte divers graviteraient ainsi dans l’orbite régionale des Frères.
La non-violence, une posture de façade
Officiellement, les organisations liées aux Frères musulmans prêchent la non-violence. Un quiétisme de façade, selon le BfV, qui considère que la doctrine enseignée par des structures comme l’IGD vise « à renforcer un sentiment de défiance à l’égard des valeurs occidentales et à discréditer la démocratie ». Ainsi, si l’IGD se targue de représenter un courant modéré, tolérant et universaliste, les enquêtes du BfV ont démontré qu’à huis clos, ses leaders ne se cachent pas de vouloir, « à moyen terme » jeter les bases d’un nouvel « Etat islamique ».
Une ambivalence que l’on retrouvait sur la page Facebook de l’organisation (manifestement supprimée depuis l’enquête du KSA) qui, bien que son leader, Khaled Swaid, réfute tout lien avec les Frères musulmans, affichait des signes distinctifs de la confrérie ; comme cette main à quatre doigts dressés vers le ciel : le « signe de Rabia », ou R4BIA, signe de ralliement des Frères à travers le monde. Un message reçu cinq sur cinq par les adeptes de la confrérie, Burkhard Freier estimant que « les organisations locales affiliées aux Frères musulmans attirent de plus en plus de réfugiés des Etats arabes », exilés dont la confrérie se servirait comme « espions ». Autant d’accusations que l’IGD rejette en bloc.