Enlisement français au Mali : un boulet nommé Ibrahim Boubacar Keïta
Le 1er juillet, des soldats français de l’opération Barkhane tombaient dans une embuscade tendue par des terroristes dans la région de Gao, dans le centre-nord du Mali. Deux jours plus tôt avait lieu un attentat contre le quartier général de la force antijihadiste du G5 Sahel à Sévaré, dans le centre du pays.
Une situation préoccupante en partie due aux défaillances du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta. À la tête du Mali depuis 2013, le président actuel a laissé le pays s’enfoncer dans un marasme économique et une économie parallèle qui nourrit le jihadisme. Mais le prochain scrutin présidentiel du 29 juillet pourrait permettre une alternance incarnée par Soumaïla Cissé, le principal opposant au président sortant.
Un enlisement qui ne dit pas son nom
L’opération Barkhane, créée en août 2014 dans la foulée de l’opération « Serval », devait être un bouclier déployé à l’extrême nord du Mali, au Niger et au Tchad afin de contenir la menace djihadiste. Malgré un « surge » faisant passer ses effectifs de 3000 hommes en 2014 à près de 4200 aujourd’hui, Barkhane est une opération exigeante — tant pour les hommes que pour le matériel — et plus personne ne nie que la situation est de plus en plus délicate.
En avril dernier, une attaque qualifiée de « sans précédent » par l’ONU a visé les Casques bleus et les forces françaises à Tombouctou, dans le nord du Mali. Bilan : sept militaires français blessés, un Casque bleu burkinabé tué et deux autres blessés. Outre le bilan humain, cette attaque s’est démarquée par son audace : elle a eu lieu en plein jour et dans la zone supposée être la plus sécurisée de la ville, celle de l’aéroport où se trouvent cantonnées les forces françaises et celles de la Minusma — la mission de l’ONU au Mali. Appuyée par des tirs de roquettes, de mortier et des véhicules bourrés d’explosifs, cette attaque a démontré que près de 4 ans après le début de Barkhane, la menace jihadiste est capable de frapper partout et à n’importe quel moment. À tel point que Minusma est de loin l’opération de l’ONU la plus meurtrière au monde, avec plus d’une centaine de Casques bleus tués.
Outre les attaques contre les forces internationales, celles contre les populations civiles sont quasi quotidiennes dans le vaste Nord (plus grand que la France), mais aussi dans le centre du pays, qu’il s’agisse d’individus abattus ou de fonctionnaires enlevés. Une situation face à laquelle le G5 Sahel (créé en 2014 et composé du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Tchad et de la Mauritanie) semble lui aussi dépassé, faute de moyens matériels et humains.
Les racines politiques du mal
Si les objectifs de Barkhane sont loin d’être atteints, c’est que la solution à ce conflit ne saurait être uniquement militaire. Il convient en effet de ne pas réitérer l’erreur commise en Afghanistan en oubliant que le terrorisme islamique est un symptôme et non un problème autonome. Laurent Bigot, ancien diplomate, affirme ainsi dans les colonnes du Figaro que le problème de ce pays dont l’indice de développement humain est l’un des plus faibles au monde (175e sur 188) est bien « la corruption et la mauvaise gouvernance du président Ibrahim Boubacar Keïta et de son prédécesseur. En les soutenant, on fait le lit des terroristes ». Un point de vue soutenu par un haut responsable malien désirant conserver l’anonymat : « Il faut bien comprendre que rien ne pourra se faire sans une lutte contre les trafics. Aujourd’hui, les groupes armés et une partie du gouvernement n’ont aucun intérêt à un retour de l’ordre et de la paix, car ils profitent de la situation pour s’enrichir. » En appelant à un « dialogue exigeant » avec les autorités maliennes, Emmanuel Macron semble avoir conscience que la résolution du conflit sera politique.
L’actuel président Ibrahim Boubacar Keïta est en effet à la tête d’un pays de 18 millions d’habitants qui se délite. Depuis 2013 — année de l’accession de « IBK » à la magistrature suprême —, le conflit dans le nord du pays a causé plus de 2000 morts ; civils et militaires. Par ailleurs, la restructuration de l’armée malienne — qui devra à terme assurer seule la sécurité du Mali — a pris du retard et les efforts entrepris peinent à se concrétiser.
D’un point de vue strictement politique, le mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta est marqué par l’instabilité gouvernementale : le président a nommé trois Premiers ministres et six gouvernements en trois ans et son troisième Premier ministre a formé quatre gouvernements en trois mois. Une confusion aggravée par l’isolement du chef de l’État, qui évite le plus possible les membres de son gouvernement. Ubu roi au cœur du Sahel.
L’alternative Soumaïla Cissé
Alors que le premier tour aura lieu dimanche prochain, le scrutin est déjà entaché de soupçons de fraudes orchestrées par le pouvoir en place : le 20 juillet dernier, l’opposition malienne révélait l’existence d’un fichier électoral parallèle, avec des électeurs et des bureaux de vote différents de ceux qui avaient été convenus au préalable sous l’égide de la communauté internationale. Malgré les démentis de la présidence qui plaide un problème informatique, les très nombreux observateurs internationaux de l’UE, de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de l’Union africaine (UA) et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se préparent à un scrutin serré et pollué par des tentatives de fraudes.
Un contexte difficile qui n’empêche pas le principal opposant, Soumaïla Cissé, d’engranger des soutiens : sa plateforme « Ensemble, restaurons l’espoir » réunit une trentaine de partis politiques et plus de 200 associations. Le 13 mai dernier, Cissé a été sans surprise désigné candidat par l’Union pour la République et la Démocratie (URD). Une investiture qui fait suite à un rassemblement, le 26 mars à Bamako, où entre 60 000 et 80 000 personnes étaient réunies.