Publié le : mardi 17 juillet 2018

France : quand la ministre de la culture perd le contrôle de l’édition…

Entre absurdités et tartufferie, le décret retirant à la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, ancienne directrice d’Actes Sud, ses prérogatives sur le secteur de l’édition est emblématique de la difficulté de relier les mondes de la culture et de la politique.

Le décret a été publié le 10 juillet 2018 au Journal Officiel, et est à effet immédiat : le chef du gouvernement français, Edouard Philippe, a décidé de retirer à sa ministre de la Culture  Françoise Nyssen ses attributions concernant « la tutelle du Centre national du livre » et « la régulation économique du secteur de l’édition littéraire ». Le premier ministre reprendra ces prérogatives.

La cause est le risque d’un conflit d’intérêt, Françoise Nyssen ayant dirigé la maison d’édition Actes Sud, fondée par son père Hubert Nyssen, depuis le début des années 1980 jusqu’à sa nomination comme ministre de la culture. « Une décision est tombée, j’en prends acte, et ce qui m’importe, c’est de continuer à faire. Je suis là pour faire », a déclaré Françoise Nyssen à un journaliste de l’Agence France-Presse.

Actes Sud étant un poids lourd du monde de l’édition, touchant des subventions publiques, et Françoise Nyssen ayant conservé des parts dans l’entreprise, la décision, sur le fonds, est parfaitement compréhensible.

Pour autant, elle semble également légèrement absurde, à deux niveaux. D’abord le calendrier : Françoise Nyssen est ministre depuis plus d’un an, il était temps de se rendre compte qu’elle avait des intérêts dans l’édition et qu’ils pourraient poser, éventuellement, des problèmes…

Ensuite sur le principe : une ministre de la culture ne pouvant agir sur le secteur de l’édition, cela correspond à un ministre de l’éducation nationale ne gérant plus l’école primaire, un ministre de l’intérieur qui ne s’occuperait plus de la gendarmerie ou un ministre de l’économie qui ne s’occuperait pas du e-commerce. Absurde ?

Quelle politique culturelle sans l’édition littéraire ?

Se féliciter de l’entrée au gouvernement de personnalités issues de la société civile, pour ensuite découvrir qu’ils ont peut-être des liens avec les dossiers en cours, semble le sommet de la tartufferie… Voir un ancien cadre d’une grande entreprise (d’Etat ou privé) récupérer un ministère n’a jamais posé ce genre de problèmes !

Exercer une surveillance constante et indépendante pour éviter tout conflit d’intérêt, oui. Retirer des prérogatives au ministre semble beaucoup plus discutable pour la mise en place d’une politique culturelle générale.

 

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