Chine : l’EPR de Taishan enfin connecté au réseau
Le premier raccordement mondial d’un réacteur nucléaire de type EPR a été annoncé fin juin à Taishan, en Chine. Cette avancée historique marque une étape décisive pour les projets d’EPR déjà en cours en Europe, mais aussi pour les nombreux autres à venir en Asie.
Avant la France, la Finlande et le Royaume-Uni, c’est finalement en Chine que le premier EPR au monde a été connecté au réseau électrique, dans la centrale de Taishan, ville côtière au sud du pays. Une belle histoire pour cette technologie franco-allemande baptisée « European Pressurized Reactor » (« réacteur pressurisé européen »), dont le premier modèle a donc été inauguré le 29 juin 2018 sur le continent asiatique. Cette première mondiale intervient près de neuf ans après le lancement du chantier par EDF, actionnaire à hauteur de 30 %, et des chinois CGN et Yuedian, respectivement propriétaires de 51 % et de 19 % des parts. « Les essais sur l’alternateur et les tests de connexion au réseau ont été finalisés avec succès », indique le groupe français dans un communiqué. Le réacteur va à présent « entrer dans une période d’essais de montée en puissance progressive », avant d’être « testé en opération stable à pleine puissance » pour une mise en service commerciale prévue d’ici la fin de l’année, selon CGN.
Si le raccordement de l’EPR de Taishan était particulièrement attendu par EDF comme par ses partenaires chinois, c’est que cette technologie nouvelle génération permet, grâce au refroidissement et à la pression procurés par l’eau, de fournir 1600 MW de puissance électrique, soit 22 % de plus qu’un réacteur traditionnel à partir de la même quantité de combustible, pour une durée de 60 ans, tout en garantissant un niveau de sûreté inégalé grâce aux multiples systèmes de sauvegarde. Pour l’énergéticien, la concrétisation du projet chinois constitue le point de départ d’une réussite technologique française qui doit se poursuivre en Chine avec la mise en service d’un deuxième EPR à Taishan dès l’année prochaine, mais aussi à travers le monde. Le savoir-faire tricolore en matière de nucléaire doit apporter aux pays développés comme à ceux en développement une solution compétitive pour diminuer la part d’énergies fossiles au profit d’une énergie décarbonée, et effectuer ainsi leur transition énergétique.
Des marchés asiatiques prometteurs pour l’EPR
Tandis que Xavier Ursat, directeur de l’ingénierie et des projets nouveau nucléaire chez EDF, se déclarait dans le Figaro « très optimiste » sur la construction de nouveaux réacteurs dans l’Empire du Milieu, « un des marchés importants du nucléaire dans le monde », les projets d’EPR déjà en cours à Flamanville (Manche), Hinkley Point (Angleterre) et Olkiluoto (Finlande) peuvent voir dans la finalisation du site de Taishan un signe plus qu’encourageant. Premier réacteur nouvelle génération à avoir été mis en construction dans le monde, l’EPR finlandais devrait voir le jour en mai 2019 après 14 ans de chantier. Il sera imité quelques mois plus tard par son homologue français, dont la réalisation aura elle aussi été retardée depuis son lancement en 2007. Enfin, le projet britannique devrait, quant à lui, se concrétiser d’ici 2025 pour le premier des deux EPR livrés par EDF, alors que deux autres seraient en discussion à Sizewell, dans l’est de l’Angleterre. Cette étape décisive semble réveiller les velléités d’autres régions européennes comme les Hauts-de-France qui, par la voix de leur président Xavier Bertrand, ont manifesté leur intérêt dans l’accueil un tel réacteur sur le site de la centrale de Gravelines (Nord) afin de préserver « l’indépendance énergétique » de la collectivité. Un projet dans les cartons depuis de nombreuses années, mais qui pourrait prendre forme rapidement avec l’organisation d’un débat public évoquée par l’élu LR. Ce dernier en aurait d’ailleurs déjà discuté avec le président d’EDF…
Si plusieurs pays européens comme la République Tchèque et la Pologne se déclarent eux-aussi intéressés par la technologie EPR, les marchés les plus prometteurs se trouveraient plutôt du côté de l’Asie. Comme la Chine, l’Inde devrait accueillir à son tour plusieurs réacteurs dernier cri suite à la signature d’un accord industriel avec EDF et l’américain General Electric pour la construction de six unités sur le site de Jaipatur. En plein essor démographique et économique, le pays pourrait ainsi devenir un acteur majeur du nucléaire moderne. Selon Xavier Ursat, le groupe français serait également en discussion sur plusieurs projets en Arabie Saoudite, où l’atome pourrait bientôt prendre le relais de l’or noir. Avec 30 à 50 années de réserves mondiales connues, les pays exportateurs de brut sont de plus en plus nombreux à anticiper l’après-pétrole.
© Photo : EDF – MORIN ALEXIS