Turquie : Erdogan, nouveau calife ?
Une victoire dès le premier tour à la Présidentielle, un régime hyper-présidentiel sur-mesure, une opposition muselée : tout semble en place pour que Reycep Tayyip Erdogan reste très longtemps au pouvoir en Turquie.
La comparaison avec l’ancien califat ottoman peut sembler osée, mais la concentration des pouvoirs dont dispose aujourd’hui le président turc, à la tête d’un parti résolument islamiste, menant une politique étrangère agressive et nostalgique d’une grandeur passée, rappelle des souvenirs d’avant Mustapha Kemal.
La défaite, sèche, de Muharrem Ince, représentant de l’ancien parti d’Atatürk, la Parti Républicain du Peuple (CHP) dès le premier tour de la présidentielle (30,6% des voix contre 52,6% à Erdogan) sonne comme un changement d’ère, d’autant que le nouveau régime qui entre en vigueur renforce considérablement les pouvoirs du président.
Un changement taillé sur-mesure pour Erdogan, mais qui ne fait pas taire les voix dissidentes. La représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a estimé que ces élections n’avaient pas été « équitables », déplorant notamment l’absence « d’opportunités égales pour les candidats » durant la campagne, ainsi que la présence parfois envahissante de policiers pendant les décomptes de voix.
« Pourquoi je féliciterais un dictateur ? »
Depuis la tentative de putsch de 2016, 77 000 personnes ont été incarcérés, et beaucoup dénoncent des arrestations dont le but unique est de museler l’opposition, et pas de défendre la sûreté de l’Etat. Symbole de cet état de fait, le député du CHP, Enis Berberoglu, a été emprisonné pour avoir révélé des informations confidentielles à un quotidien d’opposition.
Le président du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, n’y est d’ailleurs pas allé par quatre chemins pour « saluer » la victoire d’Erdogan : « On ne peut pas féliciter un homme qui ne défend pas la démocratie. Je le féliciterais pour quoi ? Pourquoi je féliciterais un dictateur ? ».
Mais avec les nouveaux pouvoirs dont dispose le président, peu de chances que ce nouveau califat ne s’interrompe dans un avenir proche, renforçant les tensions dans une région clé pour la paix mondiale.
Simple question, combien y a t’il de dictature au monde où le principal opposant peut donner une conférence de presse pour citer « pourquoi je féliciterais un dictateur » ?