Démocratie : où en est l’Afrique ?
Longtemps annoncé et promise, la démocratisation de l’ensemble du continent africain tarde à sa concrétiser. Si la situation au Tchad ou en RDC demeure alarmante, l’apparition d’un Sénat en Côte d’Ivoire ou les prochaines élections au Mali et la candidature de Soumaïla Cissé donnent un peu d’espoir.
À l’échelle du globe, la démocratie demeure une exception. Selon le dernier rapport de The Economist Intelligence Unit (EIU), « moins de 5 % de la population mondiale vit actuellement dans une « démocratie à part entière ». Près d’un tiers d’entre elle vit sous un régime autoritaire, dont une grande partie en Chine. Dans l’ensemble, 89 des 167 pays évalués en 2017 ont obtenu des notes inférieures à celles de l’année précédente ».
Le classement établi par l’EIU réserve cependant quelques bonnes surprises, notamment en Afrique. S’il est vrai que sur les 54 pays du continent « seuls six dépassent la moyenne et obtiennent le label démocratie », la « vedette » du classement est un pays africain. Il s’agit de la Gambie, qui a connu « son tout premier transfert démocratique de pouvoir » en 2017. Elle quitte ainsi le groupe des pays sous régime autoritaire et rejoint celui des « régimes hybrides », à mi-chemin entre la dictature et la démocratie.
Le Botswana (7,81 points sur 10) et l’Afrique du sud (7,24 points) sont les meilleurs élèves du continent. Comme la France (7,84 points) ou les États-Unis (7,98), ils sont classés dans la catégorie des « démocraties imparfaites ». Bien qu’avec des notes inférieures (en dessous de 7 points), le Ghana, la Tunisie, la Namibie et le Sénégal se classent dans la même catégorie.
Si le Burkina Faso et le Maroc progressent lentement, la situation est dramatique au Tchad, en RDC et en République centrafricaine. La Libye, le Soudan et le Rwanda inquiètent, tandis que le Mali s’avère incapable d’améliorer ses résultats médiocres et continue de régresser, en particulier depuis le scrutin présidentiel de 2013. Une situation qui pourrait s’aggraver après la décision d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) d’être candidat pour un second mandat.
Au Mali, Soumaïla Cissé défend « les libertés démocratiques conquises au prix du sang »
Depuis plusieurs années, le Mali s’enfonce lentement dans une crise économique et politique d’envergure, qui paralyse complètement le pays. En 2016, des milliers de Maliens ont marché pacifiquement contre « la mauvaise gouvernance » et la corruption. « Nous sommes là parce que ça ne va pas. Il y a un ras-le-bol général. Le pays n’est pas gouverné et le pouvoir n’écoute pas, n’entend pas », avait fustigé Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD).
Deux ans plus tard, la situation n’a pas fondamentalement changé. En janvier dernier, l’URD s’est inquiété de la « recrudescence de la répression par les autorités du Mali des manifestations pacifiques des organisations de la société civile ». En effet, depuis plusieurs mois, les rassemblements et les protestations organisées dans les rues de Bamako sont violement réprimés. Le Parena, parti de Tiébilé Dramé, a dénoncé « une dérive autocratique et autoritaire du régime d’IBK et de son gouvernement », tandis que le parti de Soumaïla Cissé, aujourd’hui candidat présidentiel, a rappelé au président de la République que « les libertés démocratiques chèrement conquises au prix du sang des martyrs au Mali sont de nature constitutionnelle et ne sauraient être remises en cause ».
Principal opposant d’IBK et fervent démocrate, Soumaïla Cissé ne cesse de dénoncer à la fois la corruption et la négligence de l’administration. « Les Maliens sont en colère, ils sont en colère contre le régime, ils sont en colère contre leur président. Et aujourd’hui ils veulent que cela change. Ils ne peuvent pas s’asseoir et voir le pays se détruire », avait-il affirmé en juillet.
En Côte d’Ivoire, un pas de plus vers la démocratie
Mais si la démocratie reste fragile en Afrique, elle fait des progrès dans certains pays. La Côte d’Ivoire vient ainsi de se doter d’un Sénat. Composée de 99 sénateurs, dont les deux tiers sont élus au suffrage universel, la toute nouvelle chambre haute du Parlement ivoirien a pour mission de représenter les collectivités territoriales et les Ivoiriens établis hors du pays. Principale innovation de la Constitution de la IIIe République, instaurée le 8 novembre 2016, le Sénat ivoirien constitue un effort pour équilibrer les pouvoirs, bâtir des contre-pouvoirs et inclure davantage la société civile dans les processus législatifs.
Les progrès faits par la Côte d’Ivoire en matière de démocratie et stabilité politique ont été salués par la communauté internationale. En 2010, le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle a déclenché un conflit armé qui a fait plus de 3 000 victimes. Le pays est alors entré dans une profonde crise, à la fois politique, économique et humanitaire. Une forte croissance économique et une politique de réconciliation ont cependant permis au pays de faire des progrès rapides. Avec la création du Sénat, la Côte d’Ivoire fait un pas de plus vers la consolidation de la paix et de la démocratie. Un exemple qui pourrait être suivi par d’autres pays dans la région.