Pologne : pourquoi la loi sur la Shoah fait polémique
En Pologne, un projet de loi, porté par le gouvernement de Jaroslaw Kaczynski, veut imposer une version officielle unique de l’histoire du pays pendant la Seconde Guerre Mondiale. Si la vision défendue correspond à la réalité, elle menace de limiter grandement le travail des historiens.
Le Parlement Polonais vient de publier une loi punissant d’une peine allant jusqu’à trois d’emprisonnement toute personne qui « attribue à la République de Pologne et à la nation polonaise, publiquement et contrairement à la réalité des faits, la responsabilité ou la coresponsabilité de crimes nazis perpétrés par le IIIe Reich allemand ». Un texte qui a provoqué de vives réactions, notamment en Israël et les Etats-Unis, qui estiment nécessaire de revoir ce texte, « au vu de l’impact qu’il pourrait avoir sur le principe de liberté d’expression ». Ce qui n’a pas empêché le président Duda de la promulguer.
Pour autant, c’est un fait historique avéré : ni la République de Pologne, ni la population dans sa majorité n’ont soutenu le régime nazi ; contrairement à d’autres pays, comme la France, les Pays-Bas ou la Croatie, l’administration polonaise n’a aidé en rien les agents du IIIe Reich. Le fait est que plusieurs camps d’extermination parmi les plus atroces, Auschwitz-Birkenau ou de Majdanek, se trouvaient sur le sol polonais : mais il s’agissait de camps allemands.
La Pologne lutte depuis des années pour éviter cette confusion sémantique qui pousse à parler de « camps de la mort polonais », et qui donne le sentiment d’une implication du pays dans ces crimes – d’autant qu’aucun pays n’a payé un plus lourd tribu à la Seconde Guerre Mondiale que la Pologne, 6 millions de morts, dont 3 millions de juifs, soit 30% de la population.
Réécrire une histoire de la Pologne, glorieuse et martyre
Mais le projet de loi porté par le premier ministre nationaliste Jaroslaw Kaczynski va beaucoup trop loin : dans sa volonté de réécrire l’histoire d’une Pologne glorieuse, martyre et jamais coupable, il limite le champ de travail des historiens et des journalistes. Interdire l’expression impropre « camps de la mort polonais » est une chose, interdire toute réflexion sur toute forme de corresponsabilité de la nation polonaise dans certains crimes nazis revient à imposer une vision unique et idéologique de l’histoire.
Ce texte tombe d’autant plus mal que la Pologne semblait engagée dans un processus de réflexion sur la place des Juifs dans son histoire, qui ne refusait pas de regarder en face les progroms et autres violences faites aux Juifs dans le pays (y compris dans l’immédiat après-guerre).