La diplomatie des Etats-Unis dépend-elle de leur auto-suffisance énergétique ?
Les considérations énergétiques ont souvent dicté, officiellement ou officieusement, les positionnements diplomatiques des grandes puissances mondiales : pour de nombreux observateurs, le relatif désengagement des Etats-Unis dans les conflits du Moyen-Orient s’explique par une révolution dans la production intérieure d’hydrocarbure américaine.
La production de schiste a-t-elle changé le visage de la diplomatie internationale ? La question peut sembler provocante, mais elle a de solides fondements. Si le développement des énergies renouvelables, partout dans le monde, semble destiné à faire basculer le monde vers une souhaitable transition énergétique, les hydrocarbures restent, à court terme, le nerf de la guerre énergétique : ils couvrent encore 80% des besoins énergétiques mondiaux.
De ce coté, les pays producteurs de pétrole, Moyen-Orient et Russie en tête, ont longtemps profité de leur position de force. Une stratégie de prix bas avait même fait s’effondre de nombreuses exploitations de pétrole aux Etats-Unis, devant leur manque de rentabilité.
« La révolution des schistes a changé les choses«
Mais l’Empire américain est en train de prendre sa revanche. Une modernisation et une concentration du secteur des hydrocarbures a renforcé la compétitivité des exploitations ayant traversé la tempête des prix bas, au moment où l’exploitation massive du schiste redonnait la main aux Etats-Unis. « La révolution des schistes a changé les choses, en démontrant que la combinaison de l’esprit d’entreprise, du système juridique du droit de propriété, et les marchés de capitaux constituait la vraie force du pays » explique Joseph Nye, ancien président démocrate du National Intelligence Council.
Les Etats-Unis disposent désormais de suffisamment de réserves pour assurer leur auto-suffisance pour plusieurs années, et pouvoir ainsi faire pression sur les prix. Dans la bataille, les pays de l’OPEP ont perdu de leur influence, ainsi que la Russie, qui contrôle l’accès au gaz naturel de nombreux Etats. Par contre-coup le Moyen-Orient est devenu une zone d’influence moins cruciale pour les Etats-Unis. Et si cette nouvelle donne énergétique n’est pas l’unique explication de l’isolationnisme de Donald Trump, elle explique pourquoi cette stratégie peut être viable.