RDC : la patience de l’UE s’épuise
Mi-décembre, l’UE mettait la pression sur Kinshasa, affirmant qu’elle mettrait un terme à ses aides si le « harcèlement » subi par l’opposition et la société civile ne cessait pas. Un mois après cette annonce, force est de constater que le sort des opposants n’a fait qu’empirer : le 31 décembre, une marche pacifique organisée à l’initiative d’un collectif de catholiques faisait six morts dans les rangs de ces derniers, selon les Nations unies. Dont acte ? Le Parlement européen devrait discuter d’une résolution d’urgence le 18 janvier, visant à appeler l’UE à plus de fermeté.
L’étau se resserre autour de Joseph Kabila. Lundi 11 décembre, l’Union européenne réclamait « la libération de tous les prisonniers politiques, la fin des poursuites judiciaires injustifiées, la fin de la duplication des partis politiques, la liberté de la presse et la réouverture des médias fermés » en RDC. Elle a également appelé « au respect de la liberté de réunion et de manifestation pacifique » et a annoncé qu’elle évaluera l’adoption de ces mesures « dans la mise en œuvre de son appui technique et financier ».
Les ministres des Affaires étrangères des Etats membres ont condamné « vivement les violations des droits de l’Homme ainsi que les actes de harcèlement à l’encontre d’acteurs politiques de l’opposition, de représentants des médias et de la société civile » en RDC. Ils ont exhorté à la mise en œuvre des mesures de « décrispation politique » prévues dans un accord négocié l’an dernier en vue de sortir le pays de la crise née du maintien au pouvoir du président congolais.
Alors que son deuxième et, selon la Constitution, dernier mandat a pris fin en décembre 2016, Joseph Kabila a réussi à se maintenir au pouvoir en annonçant puis reportant de nombreuses fois la tenue d’élections. La médiation politique des évêques congolais avait permis de trouver, le 31 décembre 2016, un « ultime » accord entre la majorité parlementaire et l’opposition.
Mais, alors que l’accord de la Saint Sylvestre prévoyait explicitement la tenue d’élections en décembre 2017, les proches de M. Kabila ont déclaré par la suite n’être « pas partisans d’un quelconque fétichisme de date ».
Des défis logistiques et financiers immenses
Le 5 novembre dernier, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a annoncé que l’élection présidentielle, ainsi que les élections législatives et provinciales auront finalement lieu le 23 décembre 2018. Mais il semble désormais inévitable de se poser des questions sur les véritables intentions de Kabila.
Or pour l’UE, il est « déterminant, notamment pour la légitimité des institutions chargées de la transition » que cette date soit respectée. L’Union a souligné « la responsabilité première du gouvernement et des institutions en charge de l’organisation des élections, en particulier la Céni, dans la mise en œuvre effective et sans délai des mesures et actions à même de garantir le respect de ce calendrier ».
Mais l’ensemble du processus électoral comporte « des défis logistiques et financiers immenses et encore irrésolus : les vingt-six provinces de la RDC demeurent peu connectées et le budget de l’Etat, gangrené par la corruption, est bien maigre », soulignait récemment Le Monde. Alors que la Céni dit avoir besoin de 427 millions pour les trois scrutins, les partenaires de la RDC ne proposent pour l’instant que 35 millions. Dans ce contexte, l’engagement de l’Union européenne s’avère essentiel pour le processus.
Principal opposant, Moïse Katumbi appelle à poursuivre les manifestations
Le 11 décembre, soit le jour de la déclaration des ministres européens, plusieurs militants du collectif La Lucha ont été arrêtés et chargés de force dans une jeep de la police à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. Dans le cadre de la journée internationale des Droits de l’Homme (célébrée le 10 décembre), ils voulaient rencontrer les représentants onusiens en RDC.
Quelques jours plus tôt, le 30 novembre, une dizaine de membres du Rassemblement de l’opposition (Rassop) ont été interpellés et transférés au commissariat de Limete (est de Kinshasa). L’opposition, dont Moïse Katumbi, le principal concurrent de Kabila, avait appelé à braver l’interdiction de manifester dans la capitale et à se mobiliser pour réclamer le départ du président.
Résultat : des blessés, des arrestations et des enlèvements ont été signalés à Kinshasa et dans plusieurs villes du pays. Ce qui n’a pas empêché le pouvoir de se féliciter de la faible mobilisation populaire, affirmant qu’en restant chez lui, « le peuple » avait démontré « son attachement à la patrie et au bien-être de ce pays ».
Il est vrai que le cynisme est désormais une habitude du gouvernement. Alors que les manifestations sont interdites, les présidents Denis Sassou Nguesso (Congo), Joao Lourenço (Angola) et, bien entendu, Joseph Kabila ont appelé à « une mobilisation pour la mise en œuvre de l’agenda électoral »… Joseph Kabila n’en est pas à sa première provocation, mais la patience de son peuple et de la communauté internationale semble enfin s’être épuisée. Pour preuve, la Belgique vient d’annoncer qu’elle cessait jusqu’à nouvel ordre toute coopération bilatérale avec le gouvernement congolais, préférant reverser à des programmes d’aide humanitaire ou à la population des sommes habituellement allouées à des secteurs gérés par les autorités de RDC. En attendant que l’UE lui emboite le pas ?
Texte proposé par A. Doukouré
[…] des élections reste incertaine. De nombreuses instances internationales, le Parlement européen et l’ONU en tête, ont demandé au président congolais, dont le mandat était supposé prendre […]