Le vent tourne-t-il enfin pour l’éolien marin français ?
La France fait face à un retard qui semblait irrattrapable sur d’autres pays européens en matière de parcs éoliens marins. A cause de longues procédures juridiques et administratives. Mais de nombreux projets vont enfin voir le jour et permettre au pays de se lancer véritablement dans la course à l’énergie renouvelable.
En France, on connaît surtout les éoliennes terrestres. Pourtant, celles installées en mer ont le vent en poupe en Europe. 90% du parc de ces éoliennes (soit 3 230 machines raccordées en 2015) pour une puissance de 11 000 MW, se trouvent en Europe. Champion toute catégorie, le Royaume-Uni, avec 46% de la puissance mondiale éolienne marine à lui seul, suivi de l’Allemagne, du Danemark et même de la Chine (8%). Il n’est donc pas rare de trouver dans les mers de ces pays, des éoliennes offshore (l’autre nom de ces éoliennes) qui utilisent les vents marins, soufflant davantage que sur les terres, afin de produire une énergie renouvelable dénuée de toute émission de carbone. Plus imposantes par la taille que leurs homologues terrestres, elles existent sous deux formes : ancrées directement sur le fonds marin (entre 5 et 40 mètres de profondeur) ou posées sur une structure flottante munie de câbles (elles sont alors plus éloignées des côtes, plus faciles d’installation et bénéficiant de vents encore plus forts).
La France est encore en retard sur ce type de chantiers. Pourtant, on estime que notre pays peut fournir jusqu’à 6 000 MW de puissance chaque année, devenant ainsi le 2e gisement éolien européen. Mais les procédures sont longues (près de dix ans entre l’appel d’offre et la livraison) et des associations de protection des littoraux et de la biodiversité, utilisent de nombreux recours juridiques pour empêcher de telles constructions.
Un retard d’ordre administratif
C’est le cas du parc éolien de Saint-Brieuc dont les travaux étaient prévus en 2018, avec l’entreprise espagnole Iderdrola, spécialisée en énergie renouvelable, pour être finalement repoussés à 2021, suite à différents recours administratifs. « La complexité juridique et réglementaire a été sous-estimée », explique Emmanuel Rollin, directeur d’Ailes Marines, en charge de ce parc.
Du côté d’Engie, les feux verts pour son projet d’une soixantaine d’éoliennes sur une zone allant du Tréport à Dunkerque, en passant par les îles d’Yeu et de Noirmoutier, sont désormais à l’orange. La mise en service était prévue à partir de 2021, mais c’était sans compter l’avis négatif émis à cette construction, par le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale. Ces parcs éoliens à la pointe de l’innovation, devraient pourtant produire une consommation énergétique équivalente à celle d’1,5 million d’habitants. Réponse définitive attendue pour le 1er trimestre 2018. Le groupe, en parallèle est toujours en attente d’une réponse, suite à un appel d’offres lancé par l’Ademe en 2015, autour d’un projet de déploiement de fermes d’éoliennes flottantes dans le bassin méditerranéen.
Le 22 novembre dernier, lors des Assises de la mer qui se sont tenues au Havre, le Premier ministre, Edouard Philippe, s’est ainsi alarmé du retard de la France sur les autres pays, dans le domaine de l’éolien offshore, reprenant les contre-temps de ces deux parcs éoliens. Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, est allé dans le même sens, affirmant son ambition de simplifier les procédures pour la mise en chantier des projets prévus, afin que la construction d’un parc éolien offshore dure désormais moins de sept années, contre dix actuellement. Selon lui, la solution serait de miser sur les éoliennes flottantes, promises « à un très grand avenir ». « La démonstration de sa rentabilité économique et énergétique viendra très rapidement », a-t-il précisé. Pour ce faire, le gouvernement va lancer dès 2018 des « études préalables en vue de l’engagement des futurs appels d’offres dans l’éolien flottant en Bretagne et en Méditerranée », ainsi qu’un calendrier de ces appels d’offres. La bataille des énergies marines françaises ne fait donc que commencer.
Des projets aux vents favorables
Heureusement, le lancement prévu en 2018 de Floatgen, au Croisic, la première éolienne offshore française (construite par Ideol), appelle déjà d’autres succès. Cette éolienne flottante de 5 000 tonnes pour 60 mètres de hauteur est le fruit de la collaboration de Bouygues Travaux Publics et des scientifiques de l’Ecole centrale de Nantes. Elle bénéficie d’une innovation technique en première mondiale, un flotteur en béton qui assure sa flottaison, sa résistance et permettant un acheminement en mer simplifié.
Les grands fournisseurs d’énergie ont également réussi à porter des projets d’éoliennes offshore sans trop d’encombres. Trois sites seraient dotés de telles installations, avec 238 éoliennes offshore par EDF, via sa filiale EDF Energies Nouvelles. Au total, six milliards d’euros d’investissements. Sans compter la création de plus de 7 000 emplois, participant ainsi à l’économie maritime française. Le premier se trouvera à Fécamp, en Seine Maritime, avec 83 éoliennes étendues sur 13 km de côtes. Le second sera à Saint-Nazaire, avec un parc de 80 éoliennes. Leur mise en service est prévue pour 2021. Celle du troisième, situé à Couseulles-sur-Mer dans le Calvados, a été décalée à 2023. A terme, ces trois projets couvriront les besoins en électricité de plus de deux millions de personnes.
D’autres projets sont également en cours, certains plus avancés que d’autres. Ainsi, dans le Morbihan, entre Groix et Belle-Ile, des éoliennes flottantes hautes de 180 mètres, devraient voir le jour dès 2019. Et si certains de ces projets sont encore à l’étude ou en attente de validation, il faudra désormais, en Europe, compter sur les éoliennes offshore françaises… Du moins, dans quelques années !