Publié le : jeudi 16 novembre 2017

A quand un Nobel de littérature écrivant dans une langue africaine ou asiatique ?

La désignation de Kazuo Ishiguro, un auteur britannique d’origine japonaise, comme prix Nobel de littérature 2017, relance le débat sur les choix de l’académie suédoise, un an après le très controversé choix de Bob Dylan. Préférer un écrivain symbole d’intégration en Europe, né à Nagasaki, à un pur japonais comme Haruki Murakami ou à Ngugi wa Thiong’o, un kenyan écrivant dans une langue africaine, pose en effet question.

« Mesdames et messieurs les écrivains d’Afrique et d’Asie, vous qui hésitez à écrire dans votre langue maternelle, ne tournez plus votre plume dans votre encrier paroissial. Ravalez toute fierté linguistique, toute considération néo-coloniale, choisissez hardiment une langue mondiale si vous voulez toucher un auditoire international. » : la charge portée par Georges Lory, critique littéraire, est violente. Elle n’est surtout pas isolée.

Elle fait suite à la désignation comme prix Nobel de littérature 2017 de Kazuo Ishiguro, un auteur né au Japon, à Nagasaki, mais immigré très jeune en Grande-Bretagne, de nationalité britannique et écrivant en langue anglaise, dans un style littéraire et des références profondément anglaises et européennes.

Malgré son nom et son lieu de naissance, c’est un écrivain fort peu japonais, comme il le reconnait avec humour : « Si j’écrivais sous un pseudonyme, et que quelqu’un d’autre posait pour moi en quatrième de couverture, je suis sûr que personne ne dirait ‘cet homme me fait penser à un auteur japonais’. » a-t-il ainsi déclaré.

Voici un an, l’académie Nobel avait consacré Bob Dylan, un « poète », davantage connu comme auteur compositeur interprète, un choix très critiqué, beaucoup estimant que la chanson demeurait un art littéraire mineur ou que Dylan avait un talent littéraire limité, et que ce choix visait simplement à « faire le buzz ».

Cette fois personne ne remet en cause le talent de Kazuo Ishiguro. Non, ce qui pose question, c’est l’identité des deux autres favoris : Haruki Murakami, un auteur japonais plongé dans la culture de son pays, à la personnalité fantasque, écrivant dans sa langue, et Ngugi wa Thiong’o, un auteur kenyan qui, durant sa captivité, avait fait le choix d’écrire en kikuyu, la langue de son enfance, plutôt qu’en anglais.

Leur préférer un symbole d’immigration réussie en occident peut donner le sentiment qu’écrire dans une langue « internationale » est une nécessité pour les ressortissants de pays d’Asie ou d’Afrique. En effet, seuls deux auteurs japonais et un auteur chinois ont remporté le Nobel, quand les quatre lauréats africains écrivent en arabe (l’Égyptien Naguib Mahfouz) ou en anglais (le Nigérian Wole Soyinka et les sud-africains Nadine Gordimer et John Maxwell Coetzee).

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