Résident permanent : le Qatar bouscule les règles du jeu dans le Golfe
Travailler au Qatar va-t-il devenir plus facile ? Au cœur d’une crise diplomatique et sujet à un blocus imposé par l’Arabie Saoudite et ses alliés, le Qatar décide de s’ouvrir davantage au reste du monde. Le pays vient de créer un statut de résident permanent pour les non-nationaux afin d’attirer des cerveaux et relancer son dynamisme.
En pleine crise diplomatique avec ses voisins, Doha refuse de courber l’échine et se démarque une nouvelle fois de la politique en vigueur dans la péninsule arabe. Le 2 août dernier, l’émirat du Qatar a décidé d’ouvrir plus largement ses frontières, en créant un statut de « résident permanent » dans le pays. Ce cadre juridique fera bénéficier à ses bénéficiaires d’une multitude de privilèges.
Cette réforme concerne à la fois les enfants nés de mères qataries mariées à des étrangers – le pays ne pratique pas le droit du sol – mais aussi les personnes « ayant rendu service au Qatar », et les gens « ayant des compétences pouvant bénéficier au pays ». Cela devrait représenter environs 10 milliers de personnes.
Ce statut privilégié confère un accès aux services publics gratuits – notamment les soins et l’éducation – et permet la nomination aux fonctions prioritaires dans l’armée et la fonction publique. Ces droits étaient jusque-là réservés aux seuls citoyens Qataris, qui représentent pourtant moins de 15% de la population de l’émirat.
Disparition du sponsor
Le point le plus marquant de ce couplage est la disparition du sponsor (Kafala), une norme migratoire en vigueur dans tous les autres pays du Golfe. Pour de nombreux actes administratifs au Qatar, il fallait obligatoirement un parrain qatari, notamment pour obtenir un bien immobilier ou ouvrir une entreprise. Là encore, s’il était possible de monter son business, un partenaire qatari – obligatoire – devait être majoritaire.
Le Kafala disposait en soi d’un grand pouvoir sur le résident étranger, car il avait la possibilité de confisquer son passeport à tout moment. Ce dernier devenait donc dépendant de son parrain, notamment pour changer d’employeurs ou quitter le territoire. Avec la disparition de ce système, le nouveau statut est un pas considérable vers plus de liberté.
Cette nouvelle disposition pourrait également régler un problème de taille : seuls les enfants de deux parents qataris étaient considérés comme des « nationaux » – les binationaux ayant le plus souvent la nationalité du père. Depuis le début de la crise, de nombreuses familles mixtes, saoudienne-qatarienne par exemple, ont été séparée : une situation déchirante que l’ONG Human Rights Watch avait d’ailleurs dénoncé dans un rapport.
Première dans le golfe
Dans le Golfe, les politiques d’immigration sont connues pour être particulièrement rudes. La disparition du Kafala est une petite révolution et démarque encore plus Doha de ses voisins. Le Qatar avait déjà commencé à réformer ce son système et à s’ouvrir d’avantage aux travailleurs expatriés. Depuis 2015, une nouvelle réglementation permet par exemple de demander une autorisation de sortie du pays au ministère de l’Intérieur et de changer d’employeur à la fin de son contrat.
Ce nouveau statut de résident permanent marque toutefois une étape importante. Elle intervient à un moment déterminant, alors que le Qatar est mis au ban par ses voisins, qui lui reprochent son rapprochement avec l’Iran – ennemi séculaire de l’Arabie Saoudite. Plutôt que de céder à la pression, le pays a fait le choix de l’ouverture.
Cela implique de tourner le dos à son impétueux voisin et ses alliés du Bahreïn et des Emirats arabes unis. Ces derniers ont en effet fermé leurs frontières terrestres et maritimes avec le Qatar et lui ont imposé de sévères restrictions économiques et aériennes afin de la contraindre à s’aligner sur leur politique internationale. Un pari vraisemblablement perdu.