Fronde anti-Linky : l’exemple d’une « minorité bruyante »
C’est une des caractéristiques de notre société : dès qu’une innovation ou qu’une avancée sociale vient bousculer notre quotidien, une vague de contestation voit le jour. Et si tout un chacun est en droit de s’exprimer — il ne nous viendrait pas à l’esprit de remettre en cause le principe fondamental qu’est la liberté d’expression — là où le bât blesse, c’est lorsqu’une « minorité bruyante » s’exprime au détriment d’une « majorité silencieuse ». Du catholicisme à Linky, en passant par les élections législatives 2017, les exemples mettant en scène une « minorité bruyante » et une « majorité silencieuse » ne manquent pas.
Un nom plutôt sympathique, des intentions louables, une vocation environnementale… l’histoire du compteur Linky avait plutôt bien commencé. Lancé en 2015 par Enedis (ex ErDF), ce compteur communicant nouvelle génération est voué à remplacer tous les anciens compteurs électriques à l’horizon 2021.
Dans les faits, il a tout pour plaire : il permet de réduire les délais d’intervention à moins de 24 heures (contre 5 jours en moyenne aujourd’hui), de mieux maîtriser sa consommation et enfin, Linky est un véritable allié écologique qui facilite l’insertion des énergies renouvelables dans le réseau électrique.
Linky : une fronde à moins de 1 %
Tout portait donc à croire qu’avec tous ces avantages, Linky allait être accueilli à bras ouverts par l’ensemble des Français. Et bien non. Si, en 2015, les premiers boîtiers ont été posés sans soucis majeurs, après quelques mois de déploiement, certains élus locaux ont commencé à critiquer le nouveau compteur. La cause ? Ce dernier serait un objet dangereux pour la santé et intrusif en raison des données qu’il collecte.
Pourtant, Enedis respecte à la lettre les exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en matière de protection des données. Le compteur enregistre des consommations globales en kWh et ignore s’il s’agit de la télé, du lave-vaisselle ou du chauffe-eau. Aucune autre donnée ne transite dans le système. À titre de comparaison, Google collecte des données hautement plus personnelles sur ses utilisateurs (sites visités, achats effectués, mails, films regardés, musiques écoutées, etc.). Et l’exploitation de ces données lui rapporte chaque année des milliards de dollars.
Au niveau sanitaire, les conclusions apportées par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sont claires : le compteur communicant est totalement inoffensif. Et pas plus tard que le 20 juin dernier, l’ANSES l’affirmait une nouvelle fois : « les niveaux d’exposition engendrés par les émissions [du compteur Linky] sont très faibles vis-à-vis des valeurs limites réglementaires ».
Mais les avis de la CNIL, de l’ANSES et de l’ANFR n’y font rien. Certains frondeurs persistent et laissent croire qu’une « majorité invisible » s’est formée. À la fin du mois de juin 2017, les frondeurs clamaient haut et fort que 300 communes s’étaient positionnées contre le compteur, dont des villes comme Aix-en-Provence ou Caen. S’agit-il là d’un nombre particulièrement important ? Pas vraiment… La France compte près de 36 000 communes, ce qui signifie que cette force d’opposition ne réunit que 0,8 % d’entre elles…
Le site L’Energeek confirme cette réalité en dressant une carte interactive qui présente les « communes françaises, concernées par un déploiement des compteurs Linky en 2015, 2016 ou 2017 » ayant accepté le nouveau boîtier et celles l’ayant refusé ainsi que l’équivalence en termes de population. Le constat est sans appel : près de 10 millions d’habitants sont favorables à Linky.
Véritable pouvoir de nuisance
Avec les nouveaux médias et les réseaux sociaux, l’art de contester tout ce qui est nouveau est devenu monnaie courante. Au milieu des critiques relayées par des personnalités influentes et des courants politiques, le grand public a bien du mal à discerner le vrai du faux.
Et aucune communauté n’est à l’abri de subir ce type de désagréments, les catholiques en savent quelque chose. En effet, ces derniers mois, l’image de l’Église catholique française a souvent été écornée et associée à la Manif pour Tous, le collectif d’associations contre la loi autorisant le mariage homosexuel.
Là encore, c’est une minorité de pratiquants qui a fait croire que cette opposition était majoritairement partagée par les catholiques français. Une contre-vérité en bonne et due forme : une grande enquête réalisée par Ipsos en janvier dernier et publiée par le journal La Croix a démontré « que seuls 6 % des catholiques français ont participé aux grandes manifestations contre le mariage homosexuel, quand 73 % n’ont pas souhaité y prendre part ».
Ce jeu de miroir déformant débouche sur des conséquences néfastes sur le fonctionnement de notre démocratie. Les politiques peuvent en témoigner. À l’occasion des élections législatives du 18 juin 2017, pendant que nombre de candidats cherchaient à surfer sur la vague « En Marche ! » pour obtenir un maximum de voix, les Français ont fait passer un terrible message, celui de leur indifférence et de leur ras-le-bol : plus de 57 % des électeurs ne se sont pas déplacés, soit la majorité d’entre eux. Pourtant, à en croire les médias, « En Marche ! » a obtenu une victoire « écrasante »…