La Côte d’Ivoire s’attaque à la corruption
En sanctionnant 40 entreprises pour « irrégularités » et autres « pratiques frauduleuses » au cours de l’année 2016, le gouvernement ivoirien a envoyé un message fort : la corruption, c’est terminé. Et pour cause, si la Côte d’Ivoire souhaite atteindre « l’émergence en 2020 », elle n’a d’autres choix que d’agir pour éradiquer ce fléau, encore trop présent sur le territoire national. Une nouvelle étape sur le chemin du renouveau pour le pays d’Afrique de l’Ouest qui s’érige de plus en plus, grâce à ses efforts, comme un partenaire de choix pour bon nombre d’acteurs internationaux.
En 2016, la Côte d’Ivoire a durci les mesures punitives envers les entreprises coupables de corruption. D’après l’Agence de presse africaine, 40 sociétés ont ainsi été sanctionnées par l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP) l’an dernier. Parmi elles, 23 ont été placées sur liste rouge pour « irrégularités, actes de corruption et pratiques frauduleuses », cinq ont vu leur marché résilié pour « faute » et 12 autres pour « nécessité de service ».
Créée en 2014, l’ANRMP s’est vu confier une mission de haute importance : mettre un terme à l’ancien système de fonctionnement des marchés publics ivoiriens, où la corruption et les faux documents étaient monnaie courante. Une situation terminée affirme Non Karna Coulibaly, président de l’ANMRP, « impôts, CNPS (Caisse nationale de prévoyance sociale), diplômes : tout était faux, falsifié avec des signatures fabriquées. Désormais en Côte d’Ivoire, toute entreprise qui va faire du faux, qui va s’adonner à des manœuvres frauduleuses, qui sera source de corruption, sera sanctionnée. »
Et pour la Côte d’Ivoire, le combat n’est pas des moindres : d’après le dernier classement de Transparency international, à l’instar de 79 % des pays du monde, le pays d’Afrique de l’Ouest affiche un indice de perception de la corruption inférieur à 50 et se place ainsi à la 108e position sur 176 avec 34 points, loin derrière les leaders mondiaux que sont le Danemark et la Nouvelle-Zélande, à égalité avec 90 points. Malgré 28 places gagnées en trois ans, l’État ivoirien fait toujours face à d’importantes inégalités au sein de sa population. Inégalités qui, selon Transparency international, sont fortement liées à la corruption. Ainsi, le taux de pauvreté du pays s’élève encore à 46 % (contre 51 % en 2011), le taux d’accès à l’électricité reste limité à 29 % en dépit d’une couverture de 78 % du territoire, la plupart des habitants étant dans l’incapacité de se raccorder au réseau électrique de leur localité, et l’accès à l’eau constitue également un problème majeur, comme l’ont dénoncé plusieurs habitantes des quartiers d’Abidjan lors d’une manifestation le 9 mars dernier.
La Côte d’Ivoire s’active
La lutte contre ces inégalités, fait partie des principaux objectifs du Plan national de développement (PND) mis en place par le président Alassane Ouattara afin de favoriser l’émergence de la Côte d’Ivoire en 2020. À l’exceptionnel dynamisme économique que connaît le pays d’Afrique de l’Ouest depuis la fin de la guerre civile en 2011, et marqué par une croissance de 8,5 % en moyenne au cours des cinq dernières années, le PND prévoit d’associer une croissance inclusive bénéficiant à l’ensemble de la population.
Et pour atteindre cette croissance inclusive, le gouvernement s’est fixé plusieurs missions : éradiquer la corruption, améliorer l’accès à l’eau et l’électricité et développer des infrastructures d’énergie et de transport. La diversification de l’économie ivoirienne est également à l’ordre du jour pour le premier producteur mondial de cacao, dont l’économie est encore trop dépendante des cours internationaux.
Si le gouvernement d’Alassane Ouattara doit encore poursuivre ses efforts en matière d’inclusion sociale, les premiers résultats semblent donner entière satisfaction aux partenaires internationaux du pays, qui affluent vers la capitale économique ivoirienne. En novembre 2016, la Banque européenne d’investissement (BEI) a ainsi ouvert un bureau régional à Abidjan, rejoignant la Banque africaine de développement (BAD), de retour en 2014 après 11 années passées à Tunis. La confiance des institutions internationales se matérialise également par un soutien économique important : le 30 mars 2017, la Banque mondiale a ainsi approuvé un crédit de 325 millions de dollars pour améliorer le transport, la distribution et l’accès à l’électricité via le programme gouvernemental Électricité pour tous. Il s’agit du « projet le plus ambitieux jamais financé à ce jour par le groupe de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire », déclarait d’ailleurs Pierre Laporte, directeur des opérations dans le pays.
Déjà engagée à hauteur de 5 milliards de dollars pour financer le deuxième PND du pays, de 2016 à 2020, la Banque mondiale ne peut que se réjouir de l’accord conclu l’année dernière entre la Côte d’Ivoire et le Fonds monétaire international (FMI), en vue d’un programme économique de 674 millions de dollars sur trois ans, et destiné à soutenir « les principaux objectifs du Plan national de développement (PND) de la Côte d’Ivoire pour 2016-2020, en remédiant aux obstacles pesant sur l’équilibre durable de la balance des paiements et sur la croissance économique ».
Et les institutions financières ne sont pas les seules à croire au potentiel ivoirien : en février, le Maroc a ainsi signé 14 accords bilatéraux avec la Côte d’Ivoire, tandis que l’Allemagne est passée devant la France pour devenir son premier partenaire économique en Europe. Si le chemin reste encore long, la Côte d’Ivoire n’a jamais semblé aussi proche d’atteindre son objectif : « l’émergence en 2020 ».
Modeste Kanté, journaliste et écrivain