L’Arabie saoudite s’ouvre au nucléaire et aux énergies renouvelables
Comme d’autres pays du golfe avant elle, l’Arabie saoudite commence à son tour à diversifier son économie après l’effondrement des cours pétroliers en 2014. Pour moins dépendre du pétrole, le royaume a amorcé des projets pharaoniques dans le nucléaire et les énergies vertes. Une combinaison en forme de transition énergétique, ces deux sources d’énergie émettant très peu de CO2.
En Arabie saoudite, le pétrole n’a plus le vent en poupe
Depuis la perte de plus de 50 % de sa valeur sur les cours mondiaux, le baril de pétrole n’a que faiblement repris des couleurs près de trois ans après sa dégringolade. Pour certaines nations trop dépendantes de l’or noir, les conséquences ont été terribles. Au Vénézuela, la récession économique a plongé la population tout entière dans une crise sans précédent, marquée par l’inflation et la pénurie de denrées de première nécessité. Pour ne pas risquer une telle descente aux enfers, les principaux pays producteurs sont de plus en plus nombreux à développer leurs secteurs non-pétroliers. À l’image des Émirats arabes unis, du Qatar et d’Oman, l’Arabie Saoudite a pris des mesures d’envergure pour diversifier son économie. Le premier exportateur mondial de pétrole tire en effet des gisements fossiles entre 70 et 90 % de ses revenus, qui le rendent donc très dépendant des fluctuations boursières. Pour prendre un tel virage à 180 degrés, le pays est contraint de changer en profondeur son modèle économique.
En avril 2016, le fils du roi, Mohammed ben Salmane (MBS), a ainsi présenté un plan de réforme complet pour conserver son rang de première économie du monde arabe. Outre la cession d’une petite partie du géant pétrolier Aramco, MBS entend créer un fonds souverain d’investissements hors hydrocarbures doté de 2 000 milliards de dollars, soit le plus riche au monde. Après avoir déjà augmenté de 80 % les prix des carburants et de 70 % ceux de l’eau et de l’électricité, le vice-prince héritier prévoit également d’instaurer une TVA dès 2018, de développer le secteur privé, qui n’attire pas assez de candidats à l’embauche, et même d’emprunter à des banques internationales pour réduire la dette du royaume, estimée à 87 milliards de dollars soit 15 % du PIB. Mais le changement le plus radical concerne le bien qui a jusque-là fait la richesse et la réputation du pays : le pétrole, dont on annonce le tarissement des réserves mondiales d’ici 40 à 60 ans. Les Saoudiens sont en effet de gros consommateurs d’énergie, deux fois plus gourmands que les Français en la matière, notamment à cause de la climatisation.
L’Arabie saoudite souhaite « devenir un des chefs de file de l’économie durable »
Pour se préparer à un avenir avec moins d’hydrocarbures, l’Arabie saoudite a lancé un programme de construction de 16 réacteurs nucléaires, qui devraient pourvoir à 25 % des besoins nationaux en électricité à l’horizon 2032. Son coût : 100 milliards de dollars, avec lesquels le gouvernement saoudien compte s’offrir les services et le savoir-faire du groupe français EDF-Areva. Et pour la même somme rondelette, le royaume entend également investir dans ses premières infrastructures d’énergies renouvelables avec la construction de 41 GW de panneaux photovoltaïques en plein désert, de 9 GW d’éoliennes, de 6 GW de biomasse et d’1 GW de géothermie d’ici 15 ans. « D’ici 2032, le pays souhaite produire 50 % de son électricité grâce aux énergies renouvelables et nucléaire », annoncent en effet ses dirigeants.
Dès 2023, 10 GW de la production électrique devraient d’ailleurs provenir de ces énergies vertes, contre aucun actuellement, via un premier investissement de 30 à 50 milliards de dollars, qui doit également déboucher sur la création de 450 000 emplois privés d’ici 2020. « 10 GW, ce n’est que le début », souligne Khaled al-Faleh, ministre saoudien de l’Énergie, de l’Industrie et des Ressources minières. « L’Arabie saoudite va devenir un des chefs de file de l’économie durable », a-t-il ajouté. La part importante d’investissement dans le photovoltaïque promet une rentabilité rapide pour l’Arabie saoudite grâce à un coût jusqu’à deux à trois fois moins élevé que le charbon et un gain de performances de 25 % en cinq ans. Le ministère saoudien de l’Energie a déjà diffusé un appel d’offres pour ses projets de centrale solaire et de parc éolien, qui a reçu 128 propositions dont celle du groupe EDF en France, mais aussi de groupes japonais, canadien et coréen. La réponse du marché a démontré la « confiance dans notre potentiel d’énergies renouvelables et notre climat d’investissements », s’est félicité Khaled al-Faleh. Preuve que les Saoudiens ne sont pas les seuls à croire en leur nouvel avenir dans l’or vert.
Dernier pays du G20 à publier sa contribution à la COP21, l’Arabie saoudite s’était finalement engagée à « éviter » l’émission de 130 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an d’ici à 2030, soit environ un quart de ses émissions actuelles. Un scénario optimiste pour un pays comptant moins de 0,5 % de la population du globe, mais responsable à lui seul de plus d’1,36 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, Riyad compte donc s’appuyer sur la combinaison nucléaire et énergies renouvelables. Si le couple peut étonner vu de France, où pour beaucoup transition énergétique rime avec sortie du nucléaire, l’exemple saoudien montre que l’atome peut s’intégrer dans une stratégie de décarbonation du mix énergétique. Et que la supposée rivalité nucléaire/renouvelables ne résiste pas longtemps à l’analyse, quand on connait de près la nocivité des hydrocarbures.