Publié le : vendredi 3 mars 2017

La polémique enfle autour de l’adhésion du Monténégro à l’EU

Dans un contexte européen difficile, la question du projet européen se pose. Aussi, l’adhésion du Monténégro à l’UE, un pays qui semble ne pas respecter les valeurs fondamentales européennes, est dénoncée par un certain nombre d’acteurs.

Les tendances actuelles observées au sein de l’Union Européenne – Brexit, montée des populismes, migrants, crise de la dette grecque… – nous forcent à repenser les politiques de Bruxelles. A ce propos, nombre d’observateurs pointent du doigt le nécessaire approfondissement des politiques communautaires plutôt qu’un élargissement sans fin d’une Union qui s’érode. Aussi, le processus d’élargissement est observé de près par les acteurs d’une UE fragilisée.  Aujourd’hui, le Monténégro est le « pays le plus avancé en termes d’adhésion » à l’UE, comme l’a rappelé une résolution, votée mardi 28 février 2017 par le Parlement européen avec cinquante-et-une voix pour, six contre et deux abstentions. De fait, le pays a défini vingt-six chapitres de négociations, et deux sont déjà clôturés. Si bien que Podgorica est très proche de devenir le 29ème membre de l’Union européenne (UE) – ou 28ème en cas de défection effective de Londres à la date de son élargissement.

La corruption d’état au Monténégro

« Comme toujours, la résolution présente des critiques constructives dans les domaines nécessitant une optimisation » soulignait le  rapporteur chargé du dossier Charles Tannock (ECR, UK). Un bémol repris par les députés européens, qui ont pour leur part rappelé que « la corruption, le crime organisé mais aussi la liberté de la presse demeurent des sujets d’inquiétude » quant à l’adhésion du Monténégro au sein de l’UE. Des mises en garde qualifiées d’euphémisme par la presse, qui pointe du doigt la situation politique volatile du pays.

Djukanovic est à la tête du pays depuis plus de vingt-cinq ans, alternant successivement les postes de Président et Premier Ministre. Si bien que ses détracteurs l’accusent d’autoritarisme et lui reprochent de se cacher derrière des enjeux diplomatiques pour détourner l’attention des problèmes de corruption et les difficultés économiques que rencontrent le pays. Son impopularité grandissante l’a finalement contraint à abandonner, fin 2016, le poste de Premier ministre, au profit de son lieutenant Dusko Markovic. Il demeure cependant l’homme fort du parti – et du pays. Aujourd’hui, l’hégémonie de son parti est remise en question depuis la rue. Ainsi, il y a deux semaines, les élus du DPS ont été accueillis à l’assemblée par les cris de centaines de manifestants.

Le pays se trouve de plus au centre d’un gigantesque trafic de cigarettes, et la mafia peut compter sur de puissants soutiens au sein même du gouvernement monténégrin. Plus alarmant encore, les profits générés par ces réseaux illicites seraient répartis entre les autorités monténégrines et des zones du Maghreb contrôlées par Daesh. Les accusations de corruption du pouvoir remontent aux plus hauts niveaux – Djukanovic a lui-même été sauvé de poursuites par la justice italienne du fait de son immunité politique en 2009. Il en est de même avec le scandale des télécoms monténégrins en 2005. Selon le magazine Forbes, ladite affaire de contrebande de cigarettes aurait rapporté plus d’un milliard d’euros de bénéfices entre 1996 et 2002. En outre, des cas de népotisme ont été dénoncés par la presse : alors que la crise financière post-subprimes sévissait, Djukanovic a accordé 44 millions d’euros à la Première Banque – propriété de son frère et seule banque monténégrine à avoir reçu une aide de l’État.

Des entraves à la liberté de la presse

Djukanovic se voit également de plus en plus reprocher les pressions qu’il exerce sur les médias nationaux :  les journalistes font régulièrement l’objet de menaces et d’agressions, si bien que le Monténégro est 106e sur 180 au classement de la liberté de la presse 2016 publié par Reporters sans frontières. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) déplorait à ce propos lors des législatives que « les médias ont manqué d’indépendance éditoriale dans une campagne marquée par les attaques personnelles » et des « pressions ». Elle a souligné la fermeture impromptue de plusieurs sites d’information et de sites de campagnes de plusieurs partis politiques le jour du vote. Mais les violences contre la presse ont atteint leur paroxysme en 2004avec la mort de Dusko Jovanovic, rédacteur en chef du quotidien Dan. Ce dernier a été retrouvé mort quelques jours avant de témoigner devant la justice dans le cadre de l’affaire « Montenegro Connection » qui visait le Premier ministre.

Sylvain Kahn, professeur de géopolitique à Sciences Po, expliquait à propos de l’expansion européenne qu’il convenait de « rapprocher les quelques États qui ont le projet européen chevillé au corps. (…) L’UE est un projet politique qui doit être fait avec ceux qui le veulent. » La question des valeurs communes du projet européen devient dès lors primordiale. Aussi, l’ouverture à des pays qui ne semblent pas partager les valeurs européennes ne revient qu’à encore plus affaiblir une Union en pleine crise d’identité. Des voix commencent à se faire entendre – parmi la classe politique, la presse et les universitaires – afin de souligner ses contradictions.

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