Publié le : vendredi 27 janvier 2017

Trump et l’Afrique : vers des changements stratégiques importants ?

L’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis va entrainer un changement radical de la politique américaine vis-à-vis de l’Afrique. Isolationniste et concentré sur la Chine, le nouveau Président américain a bien l’intention de remettre les compteurs à zéro.

Le nouveau président américain Donald Trump ne s’est que très peu exprimé sur sa politique vis-à-vis du continent africain. Beaucoup en ont déduit de ce silence – ainsi que plusieurs annonces comme son intention d’interdire l’entrée des musulmans sur le sol américain – un désintérêt pour l’Afrique de la nouvelle administration américaine. A cela il faut ajouter une virulente critique par Trump et ses conseillers de la politique africaine menée par son prédécesseur, Barack Obama. Trump, qui s’est illustré par ses tweets sans filtre, avait même écrit en septembre 2013 que « la corruption [était] endémique » en Afrique. Au point que « chaque penny des 7 milliards versés par Obama à l’Afrique sera volé », relève Jeune Afrique. Aussi, tout indique qu’il faut s’attendre à une évolution de la stratégie globale de Washington sur le continent.  En 2015, l’aide américaine à la totalité de l’Afrique subsaharienne s’est élevée à environ 8 milliards de dollars, et d’aucuns ont déjà annoncé le tarissement de ces versements.

Un bras de fer avec la Chine

Il serait pourtant erroné de penser que les Etats-Unis vont tourner le dos au continent. Donald Trump a plusieurs fois exprimé son intérêt pour l’Afrique. Fin septembre 2013 par exemple, lorsqu’un internaute lui demandait « pourquoi il détestait tant le continent africain », sa réponse a été sans équivoque : « Je ne le déteste pas. Il regorge d’un énorme potentiel ». Mais le plus fort indicateur que le contiennent a bel et bien une part non négligeable de son attention, est son ambition de contrer l’expansion de l’influence chinoise. Avant même son investiture, M Trump qualifiait Pékin d’« ennemi » dans son ouvrage de 2011, Time To Get Tough: Making America #1 Again. Des propos repris durant sa campagne, et confirmés par sa prise de contact avec sa future homologue taïwanaise Tsai Ing-wen. Les deux ont appelé à un renforcement des interactions bilatérales et l’instauration d’une coopération plus étroite entre leurs deux pays.

Cette déclaration n’a pas manqué de faire réagir le gouvernement et la presse d’état chinoise, qui ont dénoncé « une action mesquine et qui ne peut pas modifier la structure de la Chine unique ». Selon ce principe, pilier de la diplomatie du pays, Hong-Kong, Macao, Taïwan, le Tibet et Xinjiang sont de simples territoires d’une Chine unifiée. Non content de froisser les susceptibilités de Pékin, Donald Trump a annoncé le début d’une véritable guerre commerciale contre la Chine. Or, sa présence n’est nulle part aussi remarquable qu’en Afrique. Ses exportations vers le continent ont atteint 103 milliards USD en 2015, contre seulement 27 milliards pour les États-Unis. Washington a perdu, il y a huit ans, sa place de premier partenaire commercial de l’Afrique. Alex Vines, directeur du programme Afrique du think-tank Chatham House, expliquait ce déclin par le fait que le business en Afrique n’était « pas une haute priorité sous l’administration Obama ».

Le maintien de l’aide économique

Au vu du potentiel commercial et de la rapide croissance du continent, la donne va certainement changer. L’équipe de transition de Donald Trump a récemment transmis au Département d’État une série de questions devant servir à élaborer sa future politique africaine, rapporte le New York Times. « La formulation de certaines questions suggère une définition plus restreinte des intérêts américains en Afrique, et une approche (…) à court terme de l’engagement avec les pays africains », y analyse la directrice du programme africain de l’institut Woodrow Wilson, Monde Muyangwa. On peut cependant en déduire que les Etats-Unis veulent poursuivre leurs investissements sur le continent – selon un rapport de 2015 du cabinet Ernst&Young, les États-Unis sont le premier investisseur en Afrique. En revanche, la présence américaine en Afrique est largement remise en question.

Washington est déjà impliqué dans un certain nombre de conflits sur le continent. On peut citer le conflit en Ouganda avec l’Armée de résistance du Seigneur (LRA pour Lord’s Resistance Army), la lutte contre Al-shebab dans la corne d’Afrique, la guerre contre Daesh au Sahel et un soutien au Nigéria contre Boko Haram. Si la nouvelle administration américaine a déjà annoncé haut et fort que la lutte contre le « terrorisme islamique radical » serait l’un des axes principaux de sa politique à l’étranger, elle a également formulé certaines questions mettant en doute l’intérêt et l’efficacité de la lutte antiterroriste sur le continent. Donald Trump a aussi estimé plusieurs fois que la guerre menée en Irak était un « désastre » et de « la pire décision jamais prise par un président ». Aussi, il est probable que les Etats-Unis privilégient l’entrainement de forces de sécurité locales, pense Stig Jarle Hanse, expert d’El-Shabab et chercheur à Harvard.

Djibouti : vers un désengagement américain ?

Le rôle de Djibouti, pays qui accueille la seule base opérationnelle américaine en Afrique, devrait lui aussi être considérablement revu. Pete Hoekstra, qui est devenu l’un des principaux conseillers de transition pour l’administration Trump, a récemment violemment critiqué Ismail Omar Guelleh et le régime djiboutien « corrompu », « autoritaire » et « à la solde de la Chine », selon lui.

Le pays a ouvert grand ses portes à Pékin, qui y a notamment ouvert sa première base à l’étranger. La Chine a même aussi récupéré une concession dans l’un des terminaux du port international de Doraleh – au travers duquel les ravitaillements de la base américaine devront passer. Inacceptable pour Washington. Le pays semble en voie d’amorcer son désengagement de Djibouti. Depuis quelques mois, les États-Unis construisent une importante base aérienne au Niger, afin de pouvoir surveiller les mouvements de djihadistes dans le Sahel et d’y conduire des frappes de drones. Le pays a aussi opéré un rapprochement stratégique sensible avec le Sénégal. L’identité du successeur de Linda Thomas-Greenfield à la tête du Bureau des affaires africaines du département d’État est encore inconnue, mais le nom de John Peter Pham circule déjà. Ce dernier pousserait aussi dans le sens d’un renforcement de l’engagement basée sur le business et non les alliances historiques – et enfoncerait le clou.

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