Publié le : mardi 5 juillet 2016

Au Gabon, une présidentielle qui sent le sou

election-presidentielle-gabon

Tandis que la campagne pour l’élection présidentielle du 27 août prochain bat son plein, deux hommes apparaissent clairement au-dessus de la mêlée : le président sortant, Ali Bongo Ondimba, et l’ancien président de la commission de l’Union africaine, Jean Ping. Pressenti comme le principal rival du chef de l’Etat grâce à sa stature internationale, ce dernier fait cependant davantage parler de lui pour des affaires de corruption que pour son programme politique.

Qui avait prévu le retour en politique de Jean Ping ? L’ancien diplomate et homme d’Etat avait tout de l’homme du passé : ministre pendant près de 20 ans – de 1990 à 2008 –, il avait finalement été remercié par Omar Bongo, l’ancien président de la République du Gabon, et quitté la vie politique du pays pour finir sa carrière en tant que président de la commission de l’Union africaine. Il s’apprêtait à terminer confortablement son mandat, avant une villégiature en France ou en Côte d’Ivoire, où il possède des empires immobiliers impressionnants. Pourtant, la présidentielle gabonaise a précipité son retour inopiné au pays – cette fois en tant que candidat. Ce revirement a surpris, même au sein de l’opposition, où personne ne semblait avoir été mis au courant de ses velléités. Et son « come back » n’a pas manqué de faire du bruit : Jean Ping s’est autoproclamé candidat unique de l’opposition le 15 janvier dernier.

Pierre-André Kombila, président du Front uni de l’opposition pour l’alternance, a dénoncé ce « coup de force » qui oblige l’opposition à se scinder en deux. Un tel retour constituait déjà un pari risqué, mais sa tentative de récupération, dans la précipitation, du mouvement d’opposition fédéré gabonais, a semblé d’autant plus incompréhensible que Jean Ping n’avait en apparence rien à y gagner – sinon quelque gratification pour son égo. A y regarder de plus près, la manœuvre n’est peut-être pas innocente, et de récentes affaires viennent éclairer ce retour en politique d’une lumière bien moins clémente et désintéressée qu’il n’y parait.

Pratiques de dessous de table

La presse a pu avoir accès à un ensemble de documents, découverts il y a deux ans par la police anticorruption française, faisant état de dérives liées à des commissions dans le cadre de marchés publics. Dérives qui concerneraient indirectement Jean Ping et, plus particulièrement, son ancienne compagne Pascaline Bongo, fille d’Omar Bongo dont elle fut directrice de cabinet. Le clan Bongo-Ping aurait ainsi « perçu ces dernières années d’importantes commissions occultes sur plusieurs marchés étatiques décrochés par une multinationale chinoise [Sinohydro]. Les commissions perçues se chiffrent à plusieurs dizaines de millions de dollars », d’après le site d’investigation Mediapart.

Sinohydro est l’une des plus grandes entreprises chinoises de construction qui, en une dizaine d’années, a décroché de nombreux contrats d’ampleur au Gabon. Il apparait aujourd’hui que ces chantiers ont été largement surfacturés pour permettre à différents acteurs de se sucrer allègrement. Et le butin est de taille : selon les aveux de son avocat, entre 2009 et 2010 seulement, Pascaline Bongo aurait versé plus de 7 millions de dollars pour les deux enfants qu’elle a eus avec Jean Ping sur un compte de la banque HSBC. L’ainé de la fratrie, Franck Ping – dont Mme Bongo n’est pas la mère –, a lui directement pris part aux opérations, et les marchés Sinohydro lui auraient permis de récolter quelque 17 millions de dollars.

Le Gabon, victime collatérale

La pratique, révélée par l’avocat du clan Bongo, Maitre François Meyer, au cours de sa garde-à-vue en 2014, n’est pas nouvelle. Il était d’usage, avant l’arrivée au pouvoir du président sortant Ali Bongo, de profiter allègrement des grands contrats passés par l’Etat avec des puissances étrangères – une pratique qui, si on en croit les enquêteurs hexagonaux, est venue plomber le développement actuel du pays, en le privant de sommes astronomiques, qui auraient pu servir au développement des infrastructures et à une politique de l’emploi intéressante. C’est sa volonté d’en finir avec ces pratiques de dessous de table qui a valu à Ali Bongo et son équipe l’hostilité de nombre d’anciens ténors du pays.  

Aussi, dans ce contexte, est-il aisé de comprendre ce qui a motivé les attaques vicieuses et répétées à l’égard de l’actuel gouvernement, qui s’est illustré dans la lutte acharnée contre ces pratiques ruineuses qui ont longtemps plombé le développement du pays. Ali Bongo s’est plus particulièrement attaqué au système de prédation organisé par ses détracteurs, qui ont vu d’un mauvais œil son action pour mettre un terme au prélèvement des fameux « 10 % » sur chaque marché passé avec l’Etat. Et a été particulièrement torpillé dans la presse, sans pour autant qu’aucune accusation n’ait pu être prouvée, ni aucune condamnation prononcée. Le prix – sans doute – d’une croisade contre le vampirisme d’une élite jamais repue.

 

Réagir à cet article

XHTML: Vous pouvez utiliser les html tags: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Newsletter

Les actus en vidéo