Malaisie : fronde de l’ancien Premier ministre contre le gouvernement
Début avril, l’ancien Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a appelé la communauté internationale à intervenir dans les affaires du gouvernement, contrarié par des soupçons de corruption. Une tentative supplémentaire pour faire tomber l’actuel Premier ministre du pays, Najib Razak.
Un habitué de l’opposition
Qui veut la peau de Najib Razak ? Les récentes déclarations de l’ancien premier ministre malaisien Mahathir Mohamad au journal The Weekend Australian dissipent rapidement le doute et laissent entrevoir de la part de l’homme qui a dirigé le pays de 1981 à 2003 une certaine volonté de nuire au pouvoir en place. Pour Mahathir, il est important que la communauté internationale vienne mettre son nez dans les affaires du pays pour faire la lumière sur des soupçons de corruption qui ébranlent actuellement le gouvernement.
Des soupçons largement entretenus par des accusations portées par Mahathir contre Najib Razak au sujet d’un versement sur le compte personnel du premier ministre d’un montant de 681 milliards de dollars (soit 600 millions d’euros) qui a eu lieu en mars 2013 et qui fut révélé par le Wall Street Journal et le Sarawak Report.
Si des éclaircissements ont depuis été apportés concernant cette opération, prouvant que cet argent était un don provenant du Royaume d’Arabie Saoudite, Mahathir continue de questionner l’origine de ces fonds et accuse Najib Razak de s’être servi dans la caisse du fonds 1MDB, créé sous l’initiative du premier ministre en 2009 dans l’objectif de moderniser le pays.
Ces accusations infondées font le jeu d’une coalition d’opposants organisée autour de l’ancien Premier ministre afin de débarquer Najib Razak de son poste. Mahathir a quitté le mois dernier l’Organisation nationale de l’unité malaise (UMNO), le parti à la tête du gouvernement et a aussitôt lancé sa « Citizens’ Declaration », rapidement signée par 50 figures de l’opposition et membres dissidents de l’UMNO.
Ce n’est pas la première fois que Mahathir Mohamad s’en prend aux forces dirigeantes malaisiennes. Son successeur au poste de Premier ministre, Abdullah Ahmad Badawi, avait également fait l’objet d’une vaste campagne de déstabilisation visant à le débarquer de ses fonctions. Ces attaques avaient alors atteint leur objectif, permettant à Najib Razak d’accéder au pouvoir.
Un bilan controversé
Les motivations qui pousseraient Mahathir à s’acharner sur ces successeurs restent encore à déterminer. Lui justifie ses actions par une volonté de préserver les Malaisiens d’un gouvernement qui s’éloignerait trop de la ligne politique imposée durant ses années passées à la tête du pays et qui ne respecterait donc pas l’héritage laissé par l’ère Mahathir.
L’ancien chef du gouvernement malaisien reproche qui à ses remplaçants de ne pas avoir assuré la continuité des projets lancés lorsqu’il était au pouvoir, notamment la construction d’un demi-pont croche qui doit venir remplacer la chaussée Johor-Singapour. Un discours qui ne manque pas de faire réagir les observateurs, y voyant là une position ironique tant le régime de l’ancien Premier ministre est jusqu’ici l’un des plus contestés de l’histoire de la Malaisie.
De 1981 à 2003, Mahathir Mohamad a dirigé la Malaisie d’une main de fer, empêchant l’opposition d’exister et muselant la presse. Dans son rapport publié en 2003, l’organisation américaine Freedom House, qui étudie l’étendue de la démocratie dans le monde, mettait en avant l’absence de liberté de la presse dans le pays et dévoilait les différentes mesures prises par le gouvernement pour réduire au silence toute forme de critique à l’égard du régime Mahathir.
En 1987, une centaine d’opposants au pouvoir furent jetés en prison grâce à l’Internal Security Act, une loi de détention préventive qui a longtemps servi de prétexte zélé à un gouvernement soucieux de faire le ménage auprès des dissidents.
De là à dire que le régime mis en place par Mahathir était despotique, il n’y a qu’un pas que lui-même a franchi le mois dernier en admettant publiquement lors d’une conférence de presse avoir été un dictateur durant son mandat. Fortement décriée à l’époque, la façon « Mahathir » de faire de la politique continue aujourd’hui de tenter d’imposer ses choix à la tête du pays. Pour le moment, sans succès.