Grèce : une privatisation de l’économie sinon rien
Afin de donner un nouvel élan aux discussions avec ses créanciers – l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) – tombées dans une inertie dangereuse, Athènes a annoncé lundi 27 avril dernier le remaniement de son équipe de négociation. Cette redistribution des rôles sera-t-elle suffisante pour donner à la Grèce l’impulsion dont elle a besoin, alors que le gouvernement d’Alexis Tsipras refuse encore certaines réformes de fond ?
Alors qu’une embellie économique globale semble avoir lieu en Europe, la situation économique s’est fortement dégradée en Grèce depuis le début de l’année. La plupart des indicateurs économiques sont au rouge (croissance, déficits, dette et inflation) et la Commission européenne prévoit que la croissance ne dépassera sans doute pas 0,5 %. Il s’agit non seulement d’un net recul par rapport aux dernières années, mais aussi d’une déception de taille par rapport aux estimations de février, où la Commission européenne tablait sur 2,5 %. Une révision inévitable du fait de la «persistante incertitude», a expliqué Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques.
En outre, Gabriel Sakellaridis, le porte-parole du Premier ministre Alexis Tsipras a reconnu « qu’il n’y a plus de liquidité dans l’économie grecque », et que, « de toute façon, on ne peut pas procéder a des réformes efficaces dans un état d’asphyxie financière ». La Grèce vient de demander avec insistance à ses créanciers de lui verser de l’argent en échange des récents progrès accomplis dans les négociations. L’enjeu pour le premier ministre Alexis Tsipras, arrivé en début d’année au pouvoir, est d’obtenir le versement avant fin juin du dernier pan du plan de sauvetage : 7,2 milliards d’euros. Ce versement est crucial pour Athènes qui doit rembourser d’importantes sommes d’ici l’été à ses créanciers – dont 970 millions d’euros au Fonds monétaire international (FMI).
Si cette demande a finalement été entendue par le groupe des créanciers, c’est qu’Athènes a remanié lundi dernier son équipe de négociations, confiant sa coordination à Euclides Tsakalotos, ministre adjoint des Affaires étrangères chargé des relations économiques internationales, coordination jusqu’alors menée par le ministre des Finances et show-man Yanis Varoufakis. Si l’homme est un économiste sérieux, ses sautes d’humeur et ses tweets enflammés avaient suscité la détestation unanime de ses partenaires. En effet, ce remaniement est intervenu trois jours après une réunion informelle des ministres des Finances de la zone euro à Riga, en Lettonie. Lors de celle-ci, des voix se sont élevées contre Varoufakis, tenu pour responsable par ses partenaires du piétinement des négociations sur la poursuite du versement des prêts à la Grèce.
« Les discussions menées avec l’équipe grecque remaniée ont clairement amélioré le processus, avec un clair calendrier des discussions, plus d’experts et de détails », a souligné la source européenne. Mais si le climat s’est nettement amélioré, il n’en reste pas moins un sérieux problème de fond qui doit être sérieusement abordé : le leader de la gauche radicale de Syriza, dont l’une des principales promesses de campagne était la fin de l’austérité, est pris entre deux feux. Il doit faire un grand écart périlleux afin d’honorer ses engagements, tout en présentant à ses créanciers des réformes qui tiennent la route.
Depuis le début, la stratégie des Grecs a été de jouer la montre. Si elle a fonctionné jusque là, les échéances des dettes approchant dangereusement, elle se retourne contre eux. La sagesse dicterait que Tsipras explique à la Grèce qu’il a consenti à une période transitoire où l’austérité demeurerait, afin d’assurer le versement de liquidités dont l’Etat à besoin – sans quoi elle ferait faillite. Pour l’heure le gouvernement emprunte aux administrations et aux collectivités locales pour tenter de respecter ses engagements, mais il s’agit d’un pansement sur une jambe de bois. Mais les réformes exigées par l’Union européenne et le FMI sont très difficilement acceptables par le gouvernement. Les discussions achoppent en particulier sur les nouvelles coupes dans les retraites et mesures de dérégulation du marché du travail réclamées.
Après une reprise régulière des IDE de 2010 à 2014, ceux-ci se sont retrouvés en berne avec l’arrivée du gouvernement de Tsipras. De nombreux investisseurs ont exprimé leur intérêt à investir en Grèce, mais l’attitude du gouvernement est tout sauf accueillante. Citons les exemples de l’aéroport désaffecté de Hellenikon censé être reconverti en cité balnéaire touristique – principal secteur du pays – ou encore le site de construction navale Skaramangas pour lequel le gouvernement à une attitude protectionniste quasi-féodale, ce qui empêche toute avancée. Pourtant, aujourd’hui, le marché du travail a un besoin urgent d’un coup de pouce (avec un taux de chômage de 28%, qui atteint les 50% pour les moins de 25 ans), Siriza lui-même ayant promis 300 000 nouveaux emplois et une augmentation des revenus minimaux. Contraint par les accords passés avec l’UE, le secteur public ne pourra jamais seul permettre à Tspiras de tenir ses promesses.
En attendant qu’Athènes prenne ses responsabilités, ce qui reviendrait à reculer pour mieux sauter, outre le spectre de la faillite (à la fois crainte et outil de chantage pour le gouvernement grec) toutes ces incertitudes handicapent sévèrement l’économie grecque – d’où ces chiffres décevants. Les patrons des quatre grandes banques grecques ont appelé individuellement dimanche, dans le quotidien Kathimerini, à une issue positive rapide des négociations.