L’Ukraine à la recherche d’un second souffle
Les semaines passent et la situation de l’Ukraine se dégrade à vue d’œil. La guerre a certes laissé place à quelques escarmouches dans le Donbass, mais c’est sur le plan politique et économique que l’ancienne république soviétique souffre le plus. Le gouvernement pro-occidental chapeauté par le président Porochenko est empêtré dans les affaires et l’attentisme alors que tous les indicateurs sont dans le rouge. Certaines figures bien connues des Ukrainiens commencent à voir leurs efforts aboutir, à l’image d’un Dmytro Firtash, mais c’est la mentalité de la classe dirigeante qui doit évoluer pour éviter au pays un chaos déjà en marche.
Rouge un jour, soviétique toujours ?
Près d’un quart de siècle après l’indépendance, beaucoup reste encore à faire en Ukraine. Au-delà du conflit sanglant qui voit les frontières bouger par la force, c’est tout un système qui est à reconstruire. Les habitudes de sept décennies de soviétisme n’ont pas disparu et régissent encore nombre d’aspects dans les relations sociales. Esquiver ses responsabilités et profiter du système tant qu’il est debout sont deux défauts qui se retrouvent aujourd’hui au niveau de l’Etat. Le souffle de Maïdan a fait partir l’ancien président pro-russe Ianoukovitch, mais Petro Porochenko et ses alliés démocrates bégayent leur politique à force d’être corsetés dans des schémas de pensée révolus.
Il est beaucoup reproché à la Russie de Poutine de se comporter comme au temps de l’URSS. Prédominance de la force et Etat tout puissant. Dans un autre style, l’Ukraine ne s’est toujours pas défaite de ses accents d’antan et fait penser à la période brejnévienne où l’immobilisme régnait en maître alors que tout laissait présager un avenir funeste. Comment expliquer que dans la foulée de la Révolution de Maïdan, le gouvernement porté au pouvoir par la rue et les urnes se montre aussi timoré ? La réponse est peut-être doublement psychologique. D’une part, les vieilles habitudes sont plus tenaces qu’il n’y paraît, nous l’avons dit. D’autre part, la tâche est si grande que la paralysie frappe même les plus déterminés à changer l’ordre des choses une fois arrivés au pouvoir.
Le spectre de l’économie
Les Ukrainiens n’ont pas digéré la séparation forcée de la Crimée, mais le poison le plus redoutable est actuellement l’effondrement de l’économie. Rien qu’au moins de mars, le taux d’inflation a grimpé de 10,8 %. En un peu plus d’un an, la valeur de la monnaie nationale – la hryvnia – a été divisée par trois, la dette de l’Etat a explosé pour atteindre près de 94 % du PIB et la décroissance est à l’œuvre. Le Fonds Monétaire International encourage les Ukrainiens à résister à la crise et a débloqué une enveloppe de 17,5 milliards de dollars étalée sur quatre ans pour éviter la faillite et stabiliser la monnaie.
L’engagement financier de la communauté internationale est nécessaire, mais la solution à long terme demeure entre les mains des dirigeants ukrainiens. Une partie de la population se détourne de la nouvelle caste au pouvoir et les arrestations très médiatiques de plusieurs personnalités (autre signe d’un soviétisme toujours présent) ne trompent presque personne. Le manque de fiabilité du nouveau personnel politique donne un espace plus important à un homme comme Dmytro Firtash qui a l’avantage d’être l’une des premières fortunes du pays.
Homme d’affaires respecté pour son œuvre sociale en faveur des employés de son empire industriel, il a aussi et surtout l’avantage d’être écouté par les Européens et… les Russes. Actionnaire de RosUkrEnergo qui a fait le lien entre le gaz russe et les débouchés ukrainiens et européens, Firtash a l’habitude de traiter avec des dirigeants russes rigides et des Européens moins hostiles, mais dispersés. Le gaz qui est un des points d’achoppement entre l’Ukraine et la Russie n’a connu aucun problème d’approvisionnement lorsque RosUkrEnergo était en charge de ce dossier hautement sensible.
Ce constat et les pistes de réflexion lancées par l’homme d’affaires via la création de l’Agence pour la modernisation de l’Ukraine place naturellement Firtash sur l’échiquier politique. Un échiquier dont les prochains coups sont difficiles à prévoir tant la surprise fait partie du mode de fonctionnement à Kiev. Les mentalités sont encore trop ancrées dans le passé et seule une prise de conscience générale, peut-être aidée par des individus de bonne volonté, pourra changer la donne. Mais le temps joue contre l’Ukraine et l’action est le seul remède.